Soumission aux autorités et résistance

Obéir à Dieu signifie parfois résister aux dirigeants

Dands un article de Christiniaty Today, LÉO LEHMANN  aborde le thème de l’obéissance à Dieu, même lorsqu’il s’agit de résister aux autorités. Bien que la Bible encourage la soumission aux autorités, il est essentiel de la mettre en perspective par rapport à notre allégeance à Dieu. L’auteur cite des exemples bibliques, tels que Shadrak, Méshak et Abednego, ainsi que Pierre et Jean, qui ont défié des ordres injustes au nom de leur foi.

Le chapitre 1 de l’Exode met en lumière deux sages-femmes, Shiphra et Pua, qui, face à l’ordre du Pharaon de tuer les nouveau-nés hébreux, choisissent de désobéir par crainte de Dieu et pour protéger des vies innocentes. Leur courage et leur audace illustrent la résistance face à un pouvoir tyrannique. Bien que leur mensonge à Pharaon soit moralement discutable, il est justifié par le contexte de sauver des vies.

L’article souligne que l’histoire de ces sages-femmes rappelle aux croyants l’importance de suivre la vérité de Dieu plutôt que les ordres humains, et que chaque génération doit faire face à des dirigeants abusifs. Lehmann conclut en affirmant que la résistance au mal, bien que risquée, est essentielle, et que les croyants doivent s’aligner sur la vérité vivante de Dieu pour ne pas se perdre dans les mensonges des puissances terrestres.

Léo Lehmann est coordinateur du travail en français de CT et directeur des publications du Réseau de missiologie évangélique pour l’Europe francophone.

L’enseignement biblique pousse généralement les chrétiens à encourager la soumission aux autorités, que ce soit en politique ou dans l’Église. On connaît bien les fameuses paroles de l’apôtre Paul : « Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu. » (Rm 13.1)

Cependant, d’autres textes bibliques rappellent que notre loyauté envers ceux qui détiennent le pouvoir doit être inscrite dans le contexte de notre allégeance première à Dieu.

Parmi les exemples bien connus dans l’Ancien Testament, citons Shadrak, Méshak et Abednego, condamnés à mort pour avoir refusé de se prosterner devant la statue d’or du roi Nabuchodonosor (Dn 3.16-18), et Daniel, jeté aux lions pour avoir défié le décret du roi interdisant de prier un autre que lui. Dans le Nouveau Testament, on se souvient notamment de Pierre et Jean, jetés en prison pour avoir refusé de se conformer à l’ordre de cesser de prêcher au nom de Jésus, qui défendent ainsi leur position : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » (Ac 5.29

Mais j’aimerais attirer notre attention sur le premier chapitre de l’Exode, où deux personnages secondaires ont été jugés si importants pour l’histoire d’Israël que leurs noms, contrairement à ceux des puissants rois d’Égypte du livre, ont été conservés pour la postérité : Shiphra et Pua.

Face à la menace d’un pouvoir destructeur, ces deux femmes ont fait preuve d’un courage et d’une liberté intérieure qui peuvent encore inspirer la manière dont nous, chrétiens, travaillons et servons dans notre monde déchu. Leur audace à défier le Pharaon témoigne de ce que peut signifier servir et craindre le Seigneur face au mal.

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Leur action commune ne dépend pas avant tout de l’obéissance à une série de règles ou de prescriptions (nous sommes d’ailleurs avant Moïse et les Dix commandements), mais d’une vision de ce qui est juste et bon, ordonnée à leur crainte de Dieu que le texte mentionne explicitement. Elles ne se réfugient pas derrière un ordre qui viendrait d’en haut pour ne pas considérer les conséquences de leurs actes devant Dieu.

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Ensemble, Shiphra et Pua refusent d’être les petits rouages d’une violente machine politique. Et c’est à la suite de leur action qu’entre en scène le Dieu de l’Exode — non seulement pour leur épargner mystérieusement la colère du roi égyptien, mais aussi pour leur témoigner de la bonté et bénir leurs familles pour leur action (v. 20).

Mais l’antique roi d’Égypte n’était certainement pas le premier ni le dernier à envisager de telles horreurs. Dans un parallèle biblique significatif, le récit de l’Avent est marqué par le massacre des garçons de toute une ville, ordonné par le roi Hérode, un autre puissant saisi de paranoïa face à la rumeur d’un « roi des Juifs » qui viendrait de naître (Mt 2.16-18).

Dans les deux cas, des despotes tyranniques déshumanisent directement ou indirectement une population vulnérable, n’y voyant rien de plus qu’un simple problème politique ou démographique à résoudre afin de protéger leur propre pouvoir et leur contrôle.

Dans un acte de désobéissance analogue à celui des sages-femmes de l’Exode, les mages défieront l’ordre d’Hérode de revenir et de faire un rapport sur le lieu où se trouvait l’enfant, afin de protéger la vie de Jésus. Et, tout comme le Pharaon finit par trouver d’autres volontaires pour exécuter ses ordres malfaisants, Hérode fera de même.

Tout système oppressif repose sur des individus qui acceptent d’obéir sans réfléchir, sans considérer les conséquences morales de leurs actes sur eux-mêmes et d’autres individus. Tout au long de l’histoire, les gros poissons ont souvent laissé aux plus petits le soin de faire le sale boulot. Mais les hiérarchies de notre monde ne permettent à personne de se décharger de ses responsabilités devant Dieu et le reste de l’humanité.

Pour suivre de tels ordres d’un Pharaon ou d’un Hérode, il faut accepter de se transformer en robot : quelqu’un qui exécute simplement les ordres sans état d’âme, sans réflexion indépendante. Quelqu’un qui ne se laisse plus toucher par la brutalité de ses propres agissements, et se dit simplement qu’il fait son devoir. Il faut pour cela donner la priorité à la faveur des hommes plutôt qu’à ce qui est bon aux yeux de Dieu.

Mais lorsque nous remettons en cause l’humanité de l’autre, lorsque nous le traitons comme moins qu’humain, c’est aussi notre propre humanité que nous abîmons. Si l’autre — quel qu’il soit — peut n’être qu’un numéro, une statistique, un problème à régler, qui m’assure que je ne serai pas traité ainsi à mon tour ?

De nombreux exemples historiques, dont le tragique destin de Bonhoeffer lui-même, montrent assurément que la résistance au mal n’est pas sans risque. Cependant, les sages-femmes et les mages nous rappellent que Dieu est le personnage principal de l’histoire et que c’est à lui que nous devons rendre des comptes et prêter allégeance.

À quelque échelle que ce soit, chaque génération de croyants sera confrontée à des dirigeants abusifs qui méprisent ce que Dieu chérit et saccagent ce qu’il a créé. Mais à chaque époque, nous sommes appelés à nous aligner sur la vérité vivante de Dieu plutôt que sur les mensonges destructeurs des puissances terrestres.

Je crois que c’est la raison pour laquelle les auteurs bibliques ont conservé les noms de personnages secondaires comme Shiphra et Pua : pour nous aider, en tant que peuple de Dieu, à persévérer dans la crainte de Dieu lorsque le monde nous appelle à nous joindre à ses méfaits.

christianitytoday.com


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