Franz Jagerstâtter & UNE VIE CACHÉE

“Mieux vaut subir l’injustice que la commettre.” “Ai-je le droit de ne pas faire ce qui est juste ?” ”Je ne peux pas faire ce que je crois être mal.” 


Une vie cachée: ces chrétiens qui résistèrent au nazisme

FIGAROVOX/ANALYSE - Franz Jägerstätter, dont Terrence Malick dévoile la Vie cachée dans un film bouleversant, fut de ces resistants qui ont pris le risque de passer pour des traîtres à leur patrie afin de dire l’incompatibilité radicale entre la foi chrétienne et le national-socialisme. Ils en payèrent le prix.

"UNE VIE CACHEE "(a hidden life) de Terrence MALICK Prix du jury oecuménique au Festival de Cannes 2019
"L'histoire de Franz Jagerstâtter, un fermier autrichien qui, avec le soutien de son épouse Fani, refuse de prêter allégeance à Hitler, met en scène un profond dilemme. La haute qualité cinématographique, en termes de réalisation, de scénario et de montage permet d'exprimer et d'explorer les questions qui se posent à la personne confrontée au mal. C'est un récit universel à propos des choix que nous avons à faire et qui transcendent les préoccupations terrestres pour suivre la voix de sa conscience. 
"

Lhistoire dun homme de foi et de fidélité, un résistant dans l'âme

-C'est l'histoire vraie de Franz qui refuse de signer le serment d'obéissance à Hitler alors que avocat, responsables d'Eglises et amis lui conseillent de faire semblant... Pour lui et pour tant de resistants dont les galériens, les prisonnières de la Tour de Constance... une signature aurait suffi mais ils ont préféré la prison à vie, la mort parfois plutôt que de "faire semblant" et ainsi trahir leur foi, leur verité, leur projet de vie, leur espérance…..

Pasteure Denyse Muller,  Vice-Présidente dInterfilm 


UN HOMME DE CONSCIENCE IMPERTURBABLE

Franz Jägerstätter (1907-1943) est un fermier et père de famille autrichien qui a sacrifié sa vie pour ne pas servir l’”idéologie satanique et païenne” du Nazisme. Il est allé à l’encontre de sa communauté et de presque toute sa nation, alors que même son Église locale n’a pas offert beaucoup de secours. Pourtant Jägerstätter, face à une opposition presque totale, persista dans sa fidélité solitaire à l’Évangile.


CHOIX DU CHRIST/KURIOS PLUTÔT QUE KAISAR/HITLER

Franz Jägerstätter se place ainsi dans le sillon de ces témoins de la première heure, qui, en raison de leur souci de fidélité à Jésus-Christ refuseront de prêter serment à l’Empereur érigé en divinité, se plaçant indiscutablement du côté de KURIOS (Jésus-Christ) à KAISAR (Hitler). 

Les croyants des trois premiers siècles ne pouvaient pas souscrire en âme et conscience au rite du sacramentum militiae, où le soldat  fait sienne la formule prononcée et jure fidélité à l'imperator à tout prix même au risque de la vie. Le sacramentum militiae est un serment religieux (cf Enrico MAZZA, RDC 60/1-2, 2010, p.123-138).

On comprend très vite pourquoi ce terme de sacrement a servi pour expliquer le baptême et la Cène, les deux sacrements communs à toutes les Églises chrétiennes, car il est question dans les deux cas de fidélité, d’un côté de fidélité à l’Empereur érigé en divinité pour le soldat romain et de l’autre de fidélité à Jésus-Christ le KURIOS/Seigneur pour le néophyte chrétien.

REFUS DE CAUTIONNER UN SYSTÈME IDOLÂTRE ET CRIMINEL

Tandis que, pour la mort et la vie, un soldat jure fidélité à l’Empereur (Kaisar) au moment de son enrôlement dans l’armée impériale , un chrétien d’un autre côté, s’engage, à travers les deux signes du baptême et de la Cène, à la loyauté vis-à-vis de Jésus-Christ en réponse à son don et pardon sacrificiel.

Entre les deux engagements, le Kaisar/Hitler d’un côté et Kurios/Jésus-Christ de l’autre, Franz Jägerstätter a fait le choix  du Christ et l’a payé de sa vie, comme tant de chrétiens des trois premiers siècles qui ont refusé de transiger avec leur conscience en se livrant au culte de l’Empereur et dans la foulée aux atrocités dont l’Armée impériale était capable sur le terrain.

Les premiers chrétiens refusaient tout engagement militaire et tout serment de fidélité à l’empereur en raison donc de leur loyauté première et exclusive au Christ, mais aussi parce qu’au nom de leur foi ils refusaient de cautionner un système basé sur une fausse échelle de valeurs : la patrie et les supérieurs hiérarchiques prenant la place même de Dieu dans l’adoration et l’obéissance et, tel Moloch, exigeant les sacrifices humains que Dieu interdit, un système où le respect de la vie était communément absent.

A la suite de ses frères et soeurs dans la foi des premiers siècles, Franz Jägerstätter a refusé de participer à ce système entaché d’une idolâtrie coupable, l’idéologie nazie qu’il qualifiait d”idéologie satanique et païenne”, de “maladie spirituelle” fondée sur une « illusion raciale matérialiste, un nationalisme antichrétien » et une vision nationaliste de la religion.

L’objecteur de conscience qu’il était ne s’est donc pas cantonné à la non-violence, mais a montré une perspicacité politique et spirituelle hors du commun en déployant une résistance viscérale à ce train d’enfer qu’était le nazisme..

Dans son deuxième carnet de notes rédigé en 1942, Franz Jägerstätter rapporte le songe du train dans lequel s’engouffrent des enfants. Une voix lui disait : “Ce train roule vers l’enfer”. Franz le commente ainsi : “Il est maintenant clair pour moi que cette image ne représentait rien d’autre que le national-socialisme avec tous ses organes (les wagons) et tout ce pour quoi il lutte et exige des sacrifices… Considérons alors les adultes…, tous ceux qui n’appartiennent pas à la communauté nationale-socialiste. Ils doivent choisir : soit l’appartenance à (cette) communauté et la collaboration à ses œuvres sont nécessaires à leur sanctification comme catholiques, soit elle est un obstacle “.

Autrement pour lui, l’heure du choix est venue pour chacun. Et lui a opté clairement pour le salut éternel.

”Quel bénéfice tirerai-je de mon obéissance aux ordres impies du  Führer et, l’ayant fait, de n’avoir (peut-être) pas péché mais de n’avoir (certainement) pas non plus atteint la perfection ? 

Y a-t-il quelque chose de pire que d’être requis d’assassiner et de piller des gens qui défendent leur propre patrie, simplement pour aider un pouvoir antireligieux à obtenir la victoire et à établir un empire mondial… sans foi en Dieu“ ?



LE REFUGE DE LA PRIÈRE / ENTENDRE LE DIVIN

Cet homme trouvera son inspiration dans la lecture suivie de l’Écriture Sainte et la prière. Il cherchera à rester fidèle son Maître jusqu’au bout en usant de l’arme de la prière. Le fil et film de sa vie se présente en effet comme une longue prière, et plus encore comme une invocation, l’appel déchirant d’un homme qui lutte pour préserver son humanité intacte alors que le monde autour de lui plonge plus profondément dans le mal. Et pire encore, un monde qui regarde le mal s’épanouir, s’étendre et se normaliser, sans bouger et sans être dérangé. C’est une prière qui se tourne inlassablement vers Dieu… prière que fait aussi son épouse Fani avec une sincérité bouleversante, même quand les doutes s’immiscent.

“L’Éternel est mon berger” “Toi, mon berger. Tu me fais reposer dans de verts pâturages. Au bord du fleuve de la vie. Toi, ma force. Tu me montres la voie. Toi, notre lumière. Les ténèbres ne sont pas obscures pour Toi. Conduis-nous à Ta lumière éternelle...“

A lire

  • le livre de François de LACOSTE LAREYMONDIE aux Editions de l’Emmanuel en 2011 “Je refuse ! L’objection de conscience, ultime résistance au mal“. 
  • le dossier d’accompagnement du film de Terence Malick UNE VIE CACHÉE 
  • la revue de presse préparée par le distributeur SAJE

Voici un petit florilège de citations presse :

« Après la poésie convulsive de ses premières images, Une vie cachée subjugue par la radicalité de son propos, par sa vision de la foi et parvient à s'adresser directement à l'âme du spectateur. Malick te met à genoux mais te permet de toucher le ciel. Sublime. Définitivement le film de l'année. » (Technikart)

« Peut-être ce que Malick a filmé de plus beau de toute sa vie: une pure symphonie pastorale et amoureuse au milieu des alpages autrichiens, juste avant que l’Anschluss ne vienne souiller cet éden. » (Illimité)

« Une œuvre dont l’esthétisme n’a d’égal que la profondeur et la poésie. Une ode à l ’espérance » (Version Femina)

« Malick a traité cette tragédie comme une symphonie, où la perfection du montage et un lyrisme maîtrisé de bout en bout s’unissent pour transporter le spectateur au cœur du mystère » (Le Figaro Histoire)

« Humaine, élégiaque, poignante, presque exténuante de beauté. Une cathédrale de cinéma. » (Les années Laser)

« Une Vie cachée fait partie de ces œuvres majeures qui ont le pouvoir de hanter longtemps le spectateur. » (Positif)

« Un film d’une beauté terrassante sur la foi et le doute. L’un des sommets de Terrence Malick. » (Première)

« Un cinéma qui se vit autant qu'il se voit, qui vous emporte autant qu'il vous élève, par la beauté des paysages mais aussi grâce à la puissance d'une voix off qui résonne comme la propre réflexion intime du réalisateur et interpelle immanquablement le spectateur. » (Psychologie Positive)

Franz Jägerstätter, figure de résistance spirituelle face au nazisme

Livre. Un ouvrage récemment paru met en valeur la résistance spirituelle d’un catholique face aux nazis. Il s’intéresse au parcours du bienheureux Franz Jägerstätter, condamné à mort pour son opposition au nazisme.


Seul contre Hitler, Franz Jägerstätter (1907-1943), de Francesco Comina, Salvator, 216 p., 18,80 €

Franz, un homme, Autrichien, se caractérise pour sa foi, son opposition spirituelle au régime nazi sous lequel il a vécu, le sacrifice de sa vie à cette lutte (il sera exécuté).

Franz Jägerstätter est issu d’un milieu modeste, décrit l’auteur et journaliste italien Francesco Comina, dans sa biographie consacrée au bienheureux. Le film de Terrence Malick, Une vie cachée, l’a fait connaître au grand public en 2019. C’est en Autriche, qu’il voit le jour en 1907, dans un village rural catholique. Père d’une petite fille née d’une relation éphémère hors-mariage, le jeune homme est impulsif, « plein d’énergie, joyeux, confiant, serein », selon l’auteur Francesco Comina. Il épouse en 1936 Franziska, rencontrée quelques mois plus tôt à la canonisation de Conrad de Parzham, un homme humble, amoureux de Dieu et des plus pauvres, exact opposé de la figure de l’homme fort portée par le national-socialisme qui monte en puissance.

« Un militant de la Parole malgré le danger »

Irréductible Franz Jägerstätter

Sous l’influence de sa femme, Franz commence à lire la Bible, les vies de saints, annote les Évangiles qu’il scrute avec attention. Très amoureux, le jeune couple donne naissance à trois fillettes, dans leur ferme de Haute-Autriche. En 1938, alors que les troupes d’Hitler pénètrent en Autriche, Franz est le seul de son village à voter contre l’Anschluss. Appelé au service militaire actif en 1943, il refuse de combattre pour Hitler. Un choix qui le conduit en prison, puis à la mort. Guillotiné le 9 août 1943, il reste longtemps oublié après la guerre. Dans son récit qui se lit comme un roman, Francesco Comina montre comment cette figure éminemment spirituelle, donc les choix radicaux sont nourris par sa foi, sort peu à peu de l’ombre dans les décennies suivant la Seconde guerre mondiale, jusqu’à sa béatification, autorisée par Benoît XVI, en 2007. « Franz a été un homme des jours incertains, un vrai résistant, un militant de la Parole, qui a élevé la voix malgré le risque encouru, qui a agité les consciences à l’approche des jours de peur et de danger, et qui n’est pas resté sans rien faire à attendre que la tempête cesse et que le calme revienne enfin », conclu l’auteur.

D’après LA CROIX, le 13/07/2023

© jp.w 2024 - Contact