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La soi-disant formation au Danemark fut interrompue après une période assez courte, et Frédéric arriva avec d'autres au front ouest. Il passa la fête de Noël 1944 dans le massif de l'Eifel. Là, il fut invité par une famille pour la veillée de Noël. A cette occasion, il rendit témoignage, témoignage de la puissance du Seigneur Jésus qui fit impression.

A peine avait-il terminé qu'il y eut une alerte. Frédéric venait juste d'atteindre la cave avec ces gens, que déjà des avions ennemis apparaissaient au-dessus du village et lançaient des bombes incendiaires. Quelques minutes plus tard, Frédéric fut saisi d'une terrible inquiétude et déclara qu'il voulait remonter. Le maître de la maison le rendit attentif au danger et essaya de le retenir.

Mais Frédéric ne l'écouta pas et quitta la cave. Il traversa la maison en regardant dans chaque pièce. Il ne découvrit rien qui fut de nature à justifier cette agitation persistante. Finalement, il arriva au grenier et tressaillit de frayeur. Au milieu de la laine de bois qui se trouvait là, il vit une bombe incendiaire qui était en train de s'enflammer.

N'hésitant pas un instant, Frédéric cassa la vitre de la fenêtre, saisit la bombe et la jeta dehors. Ensuite il fit suivre la laine de bois qui commençait déjà à prendre feu. Pendant que Frédéric regardait partout ailleurs si les tuiles n’avaient pas été cassées par une bombe incendiaire, le maître de maison apparut aussi sous les combles. Lorsqu'il eut appris ce qui était arrivé, il remercia Frédéric très chaleureusement. 

A ce moment celui-ci eut l'impression qu’il valait quand même plus qu’une goutte d'eau ! En effet, par cette expérience, le Seigneur venait de lui montrer qu’Il l'utilisait.

Frédéric se réjouit en réalisant cela. C’était pour lui comme un cadeau de Noël… ; et aussi les gens de la maison !

Quelques semaines plus tard Frédéric était près de Bittburg, au front. Un combat acharné faisait rage. Tout à coup un obus explosa à quatre mètres environ de Frédéric, qui fut atteint par les éclats et blessé. Ces blessures aussi n'étaient pas d’une gravité mortelle. Mais Frédéric était à peu près sûr que, dans les circonstances actuelles, il ne retournerait pas au front. Il supposait que la guerre serait terminée lorsqu'il serait remis sur pied.

Après un bref séjour intérimaire dans un couvent, il fut amené à Bad Ems. Ses bras étaient plâtrés. Son voisin, lorsqu'il lisait un peu, s'intéressait aux contes de Grimm. Frédéric, par contre, se plongeait chaque jour dans sa Bible et lisait à haute voix, afin que ce camarade pût l'entendre. Il est difficile d'imaginer un plus grand contraste entre la Bible et les contes de Grimm !

Lorsque Frédéric essayait de parler de l'Evangile à son voisin, ce dernier refusait et se considérait comme un homme progressiste.

Ensuite, vint un jour qui resta gravé dans la mémoire de Frédéric. Son voisin appela subitement la sœur infirmière et dit : «Vite ! Vite ! ça coule ! ça coule !»

Bien que l'infirmière fût rapidement présente, le voisin ne pouvait plus être secouru. Comme on l’apprit par la suite, l'aorte céda des suites de sa blessure, et il perdit tout son sang.

Frédéric médita longuement et en détails sur cet incident. Il était bouleversé de voir comment un homme peut être rappelé si vite. Finalement personne n'est en mesure de dire s’il vivra encore dans l'heure qui suivra. Et qu'adviendra-t-il après la mort? Alors, chacun comparaîtra devant le Seigneur, personne ne pourra se défiler comme cela se passe souvent sur terre.

Frédéric avait souvent entendu des gens réfractaires à l'Ecriture, se référer au larron sur la croix. Mais savaient-ils s'ils auraient encore la possibilité à la dernière minute, de se tourner vers le Seigneur ? Frédéric en doutait ayant encore sous les yeux l’exemple de son voisin. C'est pour cela qu'il est sage de suivre le conseil de la Bible : «Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs...» (Hébreux 3:8).

Longtemps après, Frédéric fut transféré à Bad König dans le massif de l’Odenwald. Mais ce séjour ne fut pas de longue durée. Un jour, on lui remit un document avec cet ordre : «Courez ! Tâchez de partir d'ici !»

Il s’agissait, en fait, de l'armée américaine qui était proche, déjà tout près de l'endroit où ils se tenaient. Ce document, mis entre les mains de Frédéric, mentionnait qu'il devait se rendre à Aschaffenburg et se présenter là-bas à la compagnie de convalescence. Mais comme les Américains étaient tout près, cela n'avait plus de sens à ses yeux. Il se mit en route pour la Forêt Noire où sa sœur était employée chez un professeur. En outre, il se rapprochait ainsi de son pays.

Malheureusement Frédéric ne trouva pas sa sœur. Il se rendit alors à Freudenstadt et il y chercha de l'aide médicale à l'hôpital. On le conduisit vers un docteur d'un certain âge, qui avait l’air bienveillant, et qui était, comme Frédéric put le constater bientôt, le médecin chef de la clinique. Il rechercha l'identité du «nouveau venu» et tomba, forcément, sur le document, selon lequel Frédéric devait se présenter à Aschaffenburg à la «compagnie de convalescence».

Frédéric remarqua que le visage du docteur changea d’expression. Mais il ne savait pas ce que cela signifiait et il craignit un épilogue désastreux. «Si cela tourne mal pour toi, pensa Frédéric» tu ne pourras pas répliquer quoi que ce soit car effectivement, tu n'as pas suivi les instructions du document».

Le docteur hocha encore une fois la tête d'un air soucieux, toussota et dit : «vous avez de la chance d'être tombé entre mes mains. Si vous aviez eu à faire à un autre docteur, votre sort n'aurait pas été enviable. Il aurait considéré cela comme une désertion, et ceci en est effectivement une».

Frédéric ne put cacher qu'il se doutait du danger qui le menaçait : déserter c'était encourir la peine de mort. Le médecin discerna la peur de son patient et lui fit comprendre, à mots couverts, qu'il n'allait pas le dénoncer. Et cela pour la simple raison que l'empire allemand, était à la veille de la débâcle. Quiconque suivait de près l’évolution des évènements, pouvait se rendre compte du déclin du « Deutsche Reich ».

Le médecin chef avait bien raison et ceci se vérifia quelques jours plus tard. L'armée française fit son entrée dans Freudenstadt et ne considéra pas Frédéric comme prisonnier. Elle le reconnut comme déserteur et le renvoya à la maison.

Ensuite Frédéric rencontra à nouveau la jeune fille qu'il avait connue auparavant. Ils furent vite d’accord pour cheminer ensemble sur le sentier de la vie. Après leurs fiançailles, il se passa un certain temps où ils prièrent beaucoup et furent exercés à la patience. Puis vint le mariage.

* * * *


Entre-temps l'Allemagne avait capitulé et lui, Frédéric était déchargé des obligations militaires. Pourtant, il fit l’expérience que la guerre n'était pas terminée pour lui. Il devait encore en affronter les conséquences. En effet les terribles expériences vécues au front le poursuivaient et il devait se battre pour faire reconnaître ses blessures comme blessures de guerre.

Par ailleurs, on lui demanda même une appréciation écrite concernant le chef jardinier qui lui avait rendu la vie dure, ainsi qu’aux prisonniers polonais et aux filles russes, pendant la période nazie, Frédéric réfléchit à cette demande et pria à ce sujet afin de savoir que faire.

Ce qui était sûr, c'est que le chef jardinier avait montré de quelle bassesse l'homme était capable. Il savait dominer les plantes, mais ne savait pas se dominer lui-même. Frédéric ne voulait pas en rajouter. Ce n'était pas son affaire. Ce qui était injuste restait injuste. Mais était-ce son devoir de porter cela sur la voie publique ? Frédéric pensait que non. En tant que chrétien l'Ecriture nous exhorte à rechercher la réconciliation. Mais celle-ci n'était envisageable que si la faute était reconnue, confessée, apportée au Seigneur et pardonnée par lui. Cela était-il possible si le chef jardinier comparaissait devant un tribunal de ce monde ? Frédéric en doutait. 

De plus, il était persuadé que le chef jardinier, s'il ne se repentait pas, comparaîtrait devant le terrible tribunal de Dieu comme n'importe quel pécheur. Ce n'était donc pas à lui, Frédéric Waechter, d'en rajouter. Il pouvait attendre et confier le jugement à Dieu. Ainsi il refusa de rédiger un rapport concernant le jardinier.

Plus tard, Frédéric apprit que le jardinier fut quand même convoqué devant le tribunal et condamné à quatre ans de prison. Manifestement, une ou plusieurs autres personnes avaient témoigné contre lui.


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