“Dieulefit, silence et résistance” sur France Culture


« Dieulefit, silence et résistance », 2 épisodes de 29 min, à réécouter en podcast sur France Culture.

Dieulefit héberge des migrants en quête d’une vie meilleure. Déjà pendant la Seconde Guerre mondiale, l’accueil de l’étranger était une valeur partagée par ce village drômois qui a reçu et protégé des familles juives. Pourquoi nul n’est-il étranger à Dieulefit ? Pour répondre à cette question, la journaliste Lénora Krief promène son micro à la rencontre des habitants, d’un élu local, de témoins de la guerre et de l’historien Bernard Delpal. Elle arpente le lieu en questionnant les dimensions religieuses et culturelles de cet accueil. Parmi ces Dieulefitois engagés, les parcours exceptionnels de trois protestantes : Jeanne Barnier (1918-2002), secrétaire de mairie, ainsi que Marguerite Soubeyran (1894-1980) et Catherine Krafft (1899-1982), responsables de l’école de Beauvallon.

« Dieulefit, silence et résistance », 2 épisodes de 29 min, à réécouter en podcast sur France Culture.


Épisode 1/2 : Silence et désobéissance

De 1937 à la Libération, des centaines de personnes pourchassées par les Allemands ont trouvé refuge à Dieulefit, petite cité au sud de la Drôme. Pas une seule ne sera arrêtée, ni dénoncée.

Avant la guerre, ce pays rural concentre différentes activités économiques. Dans les petites communes du canton prédominent l’élevage et l’agriculture, et un artisanat autour de la poterie. Dieulefit, chef-lieu du canton, est animé par deux grandes activités : l’industrie textile et le climatisme. L’air de la ville, réputé pour être pur, attire aussi des adultes et des enfants atteints d’affections pour des cures régulières. En 1936, l’ensemble des quinze communes de la cité de Dieulefit comptent 3.871 habitants et au temps de la Deuxième Guerre, le canton est peuplé de 6.264 habitants.

Pendant les quatre années les plus sombres de notre histoire, le pays de Dieulefit, a su désobéir aux lois de la France de Vichy, sans armes. Des centaines de personnes pourchassées par les Allemands, juives et non juives, y ont trouvé refuge. Parmi elles, des anonymes, mais aussi des peintres, des poètes, des artistes et des philosophes.
Dans son discours de réception à l’Académie française en 1968, le poète Pierre-Emmanuel disait : À Dieulefit, nul n’est étranger. Celui qui va débarquer tout à l’heure, rompu par un affreux trajet d’autobus, affamé, poursuivi peut-être, et qui vit dans la terreur des regards braqués sur lui, qu’il se rassure, la paix va enfin l’accueillir. Il se trouvera parmi les siens, chez lui, car il est le prochain, pour qui toujours la table est mise.

En plus des six Dieulefitois reconnus Justes parmi les nations, beaucoup d’habitants ont accueilli chez eux des réfugiés pendant la guerre, comme les Plumel qui ont caché chez eux une famille de maroquiniers juifs parisiens au cœur du village.

Comment une communauté a-t-elle pu offrir pareil front commun pendant la guerre ?
Et pourquoi, ici, à Dieulefit, s’opposer aux actes barbares allait de soi ?

Pour en parler

  • Bernard Delpal, historien et secrétaire de l’association PMH, patrimoine mémoire et histoire du pays de Dieulefit
  • Jacques Sémelin, historien, et directeur de recherches au CNRS
  • Muriel Soubeyran, petite-fille de Marguerite Soubeyran
  • Gérard Plumel, habitant de Dieulefit

Épisode 2/2 : L’accueil en héritage

L’accueil dans cette région de la vallée du Rhône est une ancienne tradition. Avant la guerre et la Résistance menée par Marguerite Soubeyran et les habitants de Dieulefit, il était déjà naturel de croiser des réfugiés.


Le pays de Dieulefit a accueilli un très grand nombre d’exilés entre le début de la guerre d’Espagne et l’armistice de 1945, et pas un seul n’a été arrêté ni déporté.
Sylvie Benilouz a tout juste cinq ans lorsque la seconde guerre mondiale est déclarée. Ses parents, tous les deux Juifs, décident de quitter Paris afin de se réfugier dans la Drôme. Son père se fera arrêter en 1943. Avec sa mère et son frère, ils vivront alors cachés avec d’autres grâce à l’aide de personnes exceptionnelles, et notamment des trois bonnes fées de l’école de Beauvallon : Marguerite Soubeyran, Catherine Krafft et Simone Monnier. Soixante-seize ans plus tard, alors que les derniers survivants disparaissent, Sylvie ressent le besoin de s’adresser à la jeune génération.

Isolée à quelques kilomètres de Dieulefit, l’école de Beauvallon a été créé en 1929, en suivant les principes de l’éducation nouvelle propagés en Europe depuis Genève par l’Institut Jean-Jacques Rousseau. À partir de 1940, l’école devient un lieu de refuge pour tous ceux qui ont besoin de se cacher, un lieu de liberté, préservé, loin de la guerre. Au mois d’octobre 1944, Andrée Viollis, intellectuelle et journaliste engagée qui a séjourné à la pension de l’école, écrit dans une note : Dieulefit n’eut point d’histoire, du moins tragique, et c’est bien là le miracle.

Pendant quatre ans, nous allons vivre une vie exaltante, épuisante, ne pensant qu’à une chose : être un lieu d’asile pour les enfants et les adultes et tenir notre rôle dans la résistance. Nous recevons des enfants juifs pourchassés, des réfugiés juifs et non juifs. Des professeurs juifs, chassés des écoles de France et des Allemands antinazis. Notre maison était ouverte à tous ceux qui en avaient besoin. Marguerite Soubeyran (1971)

Marguerite Soubeyran, directrice de l'école de Beauvallon à Dieulefit au micro de Betty Bogeat. Dans "Terre et hommes de la Drôme" (ORTF, Radio Lyon, 27.08.1973)

6 min

Pour en parler

  • Bernard Delpal, historien et secrétaire de l’association PMH, patrimoine mémoire et histoire du pays de Dieulefit
  • Jacques Sémelin, historien, et directeur de recherches au CNRS
  • Sylvie Benilouz, Juive réfugiée pendant la guerre et bénévole au Mémorial de la Shoah
  • Jacques Glayse, adjoint délégué à la Santé et aux Solidarités à la mairie de Dieulefit
  • Ossama Aldyab, réfugié politique à Dieulefit

Bibliographie sélective

Archives Ina

  • La mémoire, 45 ans après : Dieulefit (Producteur, Michel Schilovitz. France Culture, 1988)

Extrait diffusé

Deux lectures de la biographie de Marguerite Soubeyran lus par Anne Deleuze dans "Tranche du dimanche", "La mémoire 45 ans après : Dieulefit" (France Culture, 11.09.1988)

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