Ces résistants qui croyaient au ciel

Pendant la guerre, les chrétiens furent nombreux à s'engager contre l'occupant nazi.

Jérôme Cordelier brosse leur portrait.

Tout le monde sait que, pendant la Seconde Guerre mondiale, la Résistance avait un ennemi, l'occupant nazi, mais que son unité de but, combattre les Allemands, ne découlait pas d'une unité d'inspiration et de méthodes : il y eut une résistance de droite et une résistance de gauche, une résistance gaulliste et une résistance non gaulliste, une résistance socialiste et (à partir de 1941) une résistance communiste, une résistance civile et une résistance militaire, une résistance juive et une résistance chrétienne. Mais concernant cette dernière, le journaliste Jérôme Cordelier déplore avec raison que la mémoire collective soit déficiente. Parmi tous les livres, émissions ou films consacrés à des personnages de la Résistance, combien mettent en lumière des héros, célèbres ou anonymes, qui ont été poussés à s'engager contre le nazisme par leur foi chrétienne? Jérôme Cordelier comble cette lacune dans un livre qui, plein de passion, se lit d'une traite, porté de bout en bout par la flamme de l'auteur. L'ouvrage s'ouvre en Corrèze - qualifiée de « terre de justes», tant les résistants y furent nombreux- et s'achève à Jérusalem, au mémorial de Yad Vashem, où l'on peut rendre hommage à tous les chrétiens qui ont été proclamés Juste des nations pour avoir sauvé des Juifs pendant la guerre. Entre ce point de départ et ce point d'arrivée, l'auteur évoque des dizaines de figures, de Mgr Saliège, l'archevêque de Toulouse qui protesta contre les rafles de 1942, au pasteur Marc Boegner, président de l'Église réformée de France, qui ne cessa d'intercéder auprès de Vichy en faveur des Juifs persécutés ; d'Odile de Vasselot, convoyant des aviateurs alliés tombés au cours d'une mission, à Mgr Chalve, vicaire général du diocèse d'Aix-en-Provence qui cacha le grand rabbin de Marseille ; d'Henri Fertet, qui, avant d'être fusillé, écrivit une lettre bouleversante à ses parents en leur laissant son adresse « Au ciel, près de Dieu», à Gilbert Dru, exécuté par la Gestapo, place Bellecour, à Lyon, à qui Aragon dédicacera son célèbre poème sur « celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas». Catholiques, protestants ou orthodoxes sont ici unis, outre le courage, par les liens de la foi et de la charité, sans oublier l'espérance, vertu dont Bernanos soulignait qu'elle est « un risque à courir ».

L'espérance est un risque à courir. Sur les traces des résistants chrétiens, 1939-1945, de Jérôme Cordelier, Calmann-Lévy, 302 p., 18,50 €.


Recension publiée par le Figaro - le 22 mai 2021

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