Aucune loi ne réduira au silence les consciences


L’Assemblée nationale a adopté définitivement, ce mardi 29 juin, la nouvelle loi de bioéthique. Ce texte induit de très grands changements* qui ne manquent pas de nous interroger en profondeur.

La loi dite bioéthique (votée en juin 2021) abolit les limites et autorise aussi des transgressions. (@LeFigaroMagazine)

PMA pour femmes seules et couples lesbiens

Les femmes seules et les couples lesbiens pourront désormais avoir recours à la procréation médicalement assistée (PMA). Elles bénéficieront des mêmes droits que les couples hétérosexuels. Ces derniers peuvent recourir à une PMA jusqu’à l’âge de 43 ans. Ces femmes seules ne seront donc plus obligées de se rendre à l’étranger pour en bénéficier. Selon une enquête de La Croix, publiée en 2020, 2400 femmes célibataires vont chaque année en Belgique ou en Espagne pour suivre cette procédure, dont le prix est compris entre 400 et 11 000 euros.

Le remboursement de la procédure

Une insémination artificielle coûte environ 950 euros, et une tentative de fécondation in vitro, entre 3000 et 4000 euros, selon les chiffres de l’Assurance Maladie. Le gouvernement souhaite désormais que la PMA soit remboursée pour toutes les femmes, jusqu’à 43 ans. Quatre tentatives de fécondation in vitro et six inséminations artificielles sont d’ores et déjà remboursées par la Sécurité sociale à taux plein pour les couples hétérosexuels. Il en ira de même pour les couples lesbiens et les femmes célibataires.

La loi dite bioéthique, votée à ce jour,

  • abolit les limites, celles qui structuraient jusqu’ici la ­famille dans sa réalité ou sa vraisemblance biologique, enlevant à des enfants le droit d’avoir un père et une mère

La nature du lien de parenté entre l’enfant et la mère qui ne l’a pas porté

Depuis 2013 et l’adoption de la loi en faveur du mariage pour tous, les femmes qui n’ont pas porté l’enfant ont la possibilité de l’adopter, mais doivent pour cela surmonter une multitudes d’obstacles juridiques. Avec la nouvelle loi de bioéthique, le lien de filiation entre l’enfant et sa mère biologique sera établi dans l’acte de naissance, comme pour les couples hétérosexuels. En ce qui concerne la compagne de la mère biologique, qui n’a pas porté l’enfant, le lien de parenté sera effectif après la signature d’une reconnaissance conjointe anticipée. Le document sera validé durant la grossesse, devant un notaire, comme pour les couples hétérosexuels non-mariés.


La loi dite bioéthique, votée à ce jour,

  • autorise aussi des transgressions inédites, comme la fabrication d’embryons transgéniques ou de chimères mélangeant les cellules humaines et animales.

La recherche sur les embryons

La recherche sur les embryons sera plus encadrée. La création de chimères par adjonction de cellules animales dans un embryon humain, la création d’embryon à des fins de recherche, le clonage et la réimplantation d’embryons seront toujours strictement interdits. Les demandes d’autorisation de recherche sur les embryons et les cellules-souches issues d’un embryon seront facilitées.


QUESTIONNEMENTS EN SUSPENS

La question fondamentalereste posée et nous ne cesserons de la poser en vigies de la République, comme le président Emmanuel Macron aimait à désigner les protestants : jusqu’où peut-on aller dans l’utilisation des nouvelles techniques médicales

« Le capitalisme a fait de l’enfant un produit que l’on peut commander, en dehors des problèmes d’infertilité »

Sylviane Agacinski 


Lanceuse d’alerte depuis des années et qui n’a jamais sans varier de position, la philosophe Sylviane Agacinski déplore qu’ «avec l’extension de la PMA, nous ne sommes plus dans le domaine du soin (…). Le projet de loi relatif à la bioéthique vise à élargir l’accès aux technologies disponibles d’assistance médicale à la procréation en modifiant le Code de la santé publique et en créant un nouveau mode d’établissement de la filiation». Elle avertissait d’emblée qu’après l’extension de la PMA, notre société glisserait inévitablement vers une acceptation de la gestation pour autrui (GPA)«Le capitalisme a fait de l’enfant un produit que l’on peut commander, en dehors des problèmes d’infertilité.»

On a cessé de songer aux droits de l’enfant pour passer avec une gravissime légèreté au droit à l’enfant, comme le déplore de son côté l’éthicien protestant Jean-Gustave Hentz: «On est passé des droits de l’enfant au droit à l’enfant et cela me pose question. Est-ce vraiment un droit ou utilise-t-on la médecine, la société pour satisfaire les besoins humains? Je me pose la question: quelle sera la place du père? Jusqu’où peut-on aller? L’intérêt de l’enfant et sa protection sont-ils réellement au centre des préoccupations ou un enjeu sociétal conçu comme une victoire électorale? »***


Possible mais pas forcément souhaitable

« Notre société oublie trop vite

  • que la vie humaine n’est pas un matériau qu’on peut manipuler et commercialiser ­impunément. La filiation n’est pas seulement le résultat d’un projet ou d’un contrat.
  • ensuite que tout ce qui est scientifiquement et juridiquement possible n’est pas pour autant souhaitable. » Guillaume Roquette @LeFigaroMagazine)

De la PMA à la GPA

Il est fort à parier que notre société autorisera dans les années à venir les mères porteuses (la GPA). Les députés préparent déjà la suite, à savoir l’ouverture de la GPA pour tous. Comme le fait remarquer Antoine Nouis dans RÉFORME, « malgré les discours officiels, je suis prêt à parier que dans les vingt ans qui viennent, la GPA sera autorisée en France, ce qui sera la confirmation de la loi de Gabor** et l’échec des comités d’éthique qui finissent toujours par accompagner les évolutions sociétales. »

La résistance est nécessaire. La résistance est utile car elle marque l’histoire et témoigne toujours de vérités qui ne sont jamais admises sur le moment, par la majorité ou par les gouvernements. La résistance est « protestante » car elle conteste les faux arguments et met en lumière les vrais dangers. La résistance est humble, car elle a conscience de sa petitesse – voire de sa faiblesse – et en même temps elle croit en la Justice. C’est cela qui inspira l’apôtre Paul, le poussant à encourager les éphésiens : «Prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le jour mauvais et de pouvoir tenir ferme après avoir tout surmonté. Tenez donc ferme : ayez autour de votre taille la vérité en guise de ceinture ; enfilez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussures à vos pieds le zèle que donne que donne l’Evangile de paix … » (Ephésiens 6 v. 13-17).


Tenons donc ferme !

Franck Meyer, président du CPDH


** Dennis Gabor, prix Nobel de physique en 1971, a émis une loi à propos de la société technicienne qui dit: «Ce qui peut être fait techniquement le sera nécessairement.» 

*** RÉFORME du 30 juin 2021

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