Retour sur sa vie

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Frédéric Waechter (29 octobre 1919 - 2 septembre 2012)

Jésus est venu reprendre Fritz le 2 septembre 2012. Ce fut un dimanche matin, le jour du Seigneur, le jour même où les chrétiens fêtent le Ressuscité. Il l’a repris pour qu’il soit à tout jamais au ciel avec lui et qu’il ait la joie de vivre avec Lui toujours. Ses yeux luisaient à l’idée de s’entendre dire : vas-y, montes-y...

Après une vie chargée de jours, 33 912 jours, - si j’ai bien compté -. Sa vie a commencé au foyer de Fritz et de Marguerite dans le village de Stattmatten le 29 octobre 1919 comme troisième enfant d’une fratrie de 7 enfants. Le papa tonnelier de métier vivra une conversion véritable aux détours d’un déplacement dans la vallée de Munster et dès lors la vie du foyer sera placée sous l’autorité de Sa parole. Mon père aspirait à servir le Seigneur très tôt, il ne s’en cachait pas, mais ses chemins l’amèneront rapidement à quitter le cocon familial pour démarrer l’apprentissage d’horticulteur à Saverne.

Tout jeune, il souffrira du mépris et d’un sentiment de rejet, mais sa vie basculera du désespoir à l’espérance le jour où il entendra la douce voix du Christ apaiser son tourment. Il le raconte admirablement dans son livre « Tu ne vaux pas même une goutte d’eau ».

Le péril de la guerre se profile alors. Dans un premier temps, il est enrôlé dans un de ces camps de jeunesse créés sur l’instigation de Pétain du côté de Béziers, avant d’être réformé et renvoyé en Alsace une fois signée l’Armistice.

Il sera ensuite soumis au travail obligatoire chez un horticulteur au pays de Bade. Sur fond d’antisémitisme, il fera preuve de discernement et de courage sur son lieu de travail quitte à s’attirer des ennuis.

Et là malgré lui comme tous « les Malgré nous » alsaciens, il sera envoyé de force sur le front russe.

Dans son livre «Tu ne vaux même pas une goutte d’eau» aborde longuement cette période difficile. Le livre a été publié en allemand, russe et français par la Mission Friedensbote que nous remercions vivement. Tous ceux qui aimeraient retrouver son témoignage émouvant le trouveront sur ce blogue personnel.

Témoignage de reconnaissance de la part de la mission Friedensbote pour le témoignage et l’engagement fidèle de Fritz Waechter

Mon père était un homme de conviction et jamais il ne s’est rangé sous la bannière du nazisme, comme on l’y poussait ; il s’est placé résolument sous la bannière du Christ. Cela lui a valu maintes fois d’être exposé aux feux ennemis, sans pour autant perdre la vie, pendant qu’autour de lui tombaient les autres soldats sous les balles ennemies. Voulant venir un jour au secours d’un Alsacien blessé, papa a quitté son poste, l’officier l’a alors menacé de la cour martiale. Ce n’est pas lui qui sera abattu mais cet officier sous ses yeux par les balles ennemies. Papa aura une nouvelle fois la vie sauve.

Un autre jour, c’est le NT qui portait sur son coeur qui lui sauva la vie et depuis il l’a gardé en souvenir, il avait raison !

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Le fameux Nouveau Testament touché par une balle et qui lui a sauvé la vie

Le dernier élément biographique de la guerre que je citerai, c’est le jour où il fut envoyé sur un terrain miné avec la mission de le déminer. Il ne s’y connaissait pas et risquait au moindre mouvement d’y laisser sa vie. C’était d’ailleurs là l’intention avouée des officiers allemands. Toujours est-il qu’arrivé sur place un vieux soldat qu’il n’avait jamais vu et qu’il ne reverra jamais d’ailleurs - lui lui propose de faire ce travail à sa place de bien rester derrière lui. Ce qu’il a fait. Le soir venu, le travail était fait et il pouvait rentrer au camp sain et sauf, beaucoup d’autres condamnés comme lui étaient morts à ce travail dans la journée. Mon père était persuadé que cet homme était pour lui un ange envoyé par le Seigneur pour le délivrer de cette passe dangereuse. Cette épreuve a accru sa foi... et la nôtre.

De la guerre, il rentre au pays avant les autres, comme blessé de guerre. Bien avant l’armistice, après maintes péripéties. Un an après il convole en justes noces avec Georgette Meyckuchel au Temple de Sion de Strasbourg. Vous avez là une des raisons de son attachement à l’Eglise méthodiste (il y en a d’autres). Le couple vivra intimement uni durant presque 66 ans, Dieu soit béni. Il traversera avec elle toutes les épreuves de la vie avec courage. Mais revenons à l’après guerre.

En 1945, mon père commence sa carrière professionnelle à la ville de Strasbourg comme jardinier d’abord au cimetière Nord, puis dans les serres de l’Orangerie pour finalement être nommé responsable de cimetière, ce qui lui fera connaître la plupart des cimetières des environs de Strasbourg.

En 1971, il avait 52 ans et était tombé gravement malade : le pronostic vital était engagé, et Ruth, l'une des 9 enfants, avait alors prié avec ferveur pour sa guérison au chevet de son lit d’hôpital, entourée de maman et des frères et soeurs. Elle disait : « Seigneur Jésus nous avons encore besoin de notre papa, guéris-le ». Et Dieu a guéri notre père ce jour-là.

Son engagement professionnel sera néanmoins écourté : papa partira en préretraite en 1974, victime de produits toxiques utilisés dans les serres de l’Orangerie à Strasbourg.

Au bout d’un combat acharné qui l’a mené jusqu’au Conseil d’Etat, il s’est vu reconnaître son invalidité consécutive à la guerre.

Papa a eut une vie très remplie et s’est montré travailleur acharné pour nourrir la famille et payer les traites mensuelles de la maison de la Robertsau.

Très engagé sur le plan spirituel, toujours enclin à partager sa foi, il n’a pas pu partir servir le Seigneur au loin, il l’a néanmoins servi au plus près du terrain, partout où il passait, que ce soit sur son lieu de travail, dans le voisinage, dans l’église de Sion qui était le foyer spirituel de la famille, dans les autres églises, car papa avait une vision large de l’Eglise de Jésus-Christ.

Réunis pour ses 90 ans, ses enfants ont aussi été tous unanimes pour reconnaître aux parents, maman et papa, leur sens aigu de l’hospitalité : bien que déjà nombreux à table, nous avions toujours un ou des invités le dimanche, des inconnus de passage, des doctorants, des étudiants qui pour certains accèderont aux plus hautes fonctions, évêque, doyen de faculté de théologie. C’est ainsi que se développeront des liens, des amitiés par-delà les frontières jusqu’à ce jour. Il n’est pas parti en mission, mais il l’a pratiquée à sa porte, n’hésitant pas par exemple à distribuer des tracts ou des invitations sur la place Kléber.

Pendant des années, papa avait le souci de faire parvenir le calendrier de « La Bonne Semence » d’abord en prison puis également dans les maisons de retraite de la région.

Bien que préretraité, invalide de guerre à 90%, papa n’a pas moins dépensé une énergie énorme à servir les autres.

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Ses efforts calligraphiques en chinois

Son coeur a battu pour les réfugiés qui élisaient domicile à Strasbourg et la région, d’où qu’ils viennent, de Chine - il s’est même inscrit à l’Université pour apprendre le chinois -, du Vietnam, du Laos, du Sri Lanka ou du Cambodge. Son but était de pouvoir mieux communiquer avec les nombreux réfugiés asiatiques, cambodgiens, chinois qui avaient survécu au génocide survenu dans leur pays et qui avaient cherché refuge en France.

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Son engagement auprès de ces réfugiés cambodgiens nest certainement pas étranger à la naissance dune communauté méthodiste khmère à Strasbourg et à Paris.


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Fritz, au premier plan, à l’Eglise méthodiste de Bischwiller à l’occasion du 30e anniversaire de l’EMKS.

Pendant quelques années, il rejoindra l’église évangélique de Schiltigheim fondée par Paul Wolff et sera compté comme ancien de l’église.

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Jusqu’à un âge avancé, Fritz s’occupait de stocker des vêtements destinés venir en aide des gens de l’Est par le biais de l’association Friedensbote.


Jusqu’à son dernier souffle,  il est resté dans un esprit de prière, comme en témoigne cet échange de correspondance : «Nous portons nos petits enfants dans la prière. Nous sommes portés à la prière jusqu’à notre blanche vieillesse, jusqu’à la fin de notre pèlerinage terrestre, quand nous rejoindrons les demeures célestes.»

Aujourd’hui il est entré dans la joie de son Maître et Sauveur qu’il a servi avec joie et persévérance. Le Seigneur en soit loué !

Septembre 2012

jp.w

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