La démocratie en danger plus que jamais


A moins que le pays ne réagisse à temps et entre en résistance, la France peut basculer dans l’autoritarisme et ses cortèges de désastres, si l’on n’y prend pas garde, avertit le Site-mémorial du Camp des Milles qui publie chaque année un repère original, basé sur des données scientifiques, baptisé Indice d’analyse et d’alerte républicaine et démocratique (Aard). 

En 2020 déjà, nous en parlions déjà sur notre blog

 Pour le chercheur du CNRS, Philippe Mossé, la montée des périls se traduit par trois étapes.

"On part d’un terreau, observable dans les trois génocides : une crise économique, une montée du chômage et de la pauvreté, couplées à l’existence de préjugés ethniques, raciaux. Si les résistances sont faibles, on assiste alors à la recherche de boucs émissaires, la montée de la violence en général, et aussi celle visant certaines communautés. La seconde phase vient quand les institutions elles-mêmes sont fragilisées, les élites stigmatisées, considérées comme des profiteurs par rapport au peuple. C’est le cas dans un certain nombre de pays d’Europe. Ce processus débouche sur l’acceptation des régimes autoritaires, considérés à tort comme les seuls capables de ramener l’ordre et la prospérité. Et c’est une fois que ces régimes sont installés que peut se passer le pire, jusqu’aux crimes de masse. Cet engrenage, qui peut avoir des modalités différentes mais dont l’ossature reste la même, est schématisé au Mémorial. Cela permet de réveiller les consciences ».

Les chercheurs peaufinent leur analyse de la société en retenant divers indicateurs quantitatif : «  le chômage des jeunes, le nombre de bénéficiaires du RSA, un indicateur de tolérance élaboré par une équipe de Sciences Po Bordeaux, le pourcentage de vote extrême aux élections (extrême droite comme extrême gauche), les crimes et délits en tout genre, les atteintes aux personnes, le nombre d’actes racistes, antisémites, xénophobes et antimusulmans (tels qu’ils sont colligés par le ministère de l’Intérieur). Le dernier indicateur, c’est ce qui se passe au sein même des institutions de la République. En l’occurrence, tous les débats parlementaires autour de la sécurité et des libertés. C’est très parlant pour ce qui se passe dans la société ».

"Les dangers sont réels. Aujourd’hui, on en est au premier stade de la phase 2, c’est-à-dire au moment où un basculement vers un régime autoritaire est possible en l’absence de résistance démocratique."

Aujourd’hui, on en est au premier stade de la phase 2, c’est-à-dire au moment où un basculement vers un régime autoritaire est possible en l’absence de résistance démocratique. Ce qui est remarquable, c’est qu’il y a bien une tendance, mais ce n’est pas une ligne droite, on le voit sur la courbe, il y a des pics et des descentes, dus aux résistances diverses et variées. Par exemple, dans la foulée des attentats de 2015, on a observé une très forte résilience de la société française. La tolérance de la population envers les minorités a augmenté après les attentats, parce que la réaction de la société française reste fondamentalement républicaine. La réflexion a dominé l’émotion. Les actes racistes et antisémites ont ralenti les deux années qui ont suivi. Il y a eu un phénomène de cohésion et de tolérance. Le sursaut démocratique est apparu à ce moment-là ; et l’action des forces de l’ordre a été renforcée aussi, au service de la défense de la démocratie.

IL FAUT RÉSISTER - NE RIEN FAIRE, C’EST LAISSER FAIRE

"Il faut résister. Ça commence par être conscient de ce qu’il se passe. Ne rien faire, c’est laisser faire. Individuellement, on a tous des préjugés. Mais le rôle des politiques n’est pas de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, contrairement à ce qu’on entend ici ou là. Il faut se hisser au-dessus de ces "passions tristes".

Il faut les affronter de façon raisonnable. Oui, on peut faire quelque chose pour lutter contre les préjugés, de façon individuelle ou collective : la culture, l’éducation, l’information - et pas les fake news… D’ailleurs, les plateformes comme Facebook ou Twitter commencent à faire le ménage. C’est pour moi un indicateur de résistance républicaine. Et puis, il y a le vote. Voter sans obéir à ses peurs mais à la raison. Donc, oui, je suis optimiste parce que si la montée des périls est réelle, je pense que les réflexes identitaires vont peu à peu céder devant la raison. Je pense qu’il faut rester optimiste, vigilant et offensif."

Pour aller plus loin : www.campdesmilles.org/survie-democratique.html


La démocratie est sur une ligne de crête, elle doit être défendue pour ne pas tomber dans la barbarie

Un lien pour accéder à l'article de la MARSEILLAISE 210626

Propos de Philippe MOSSÉ recueillis dans LA PROVENCE - 24 juin 2021

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