Anecdotes et souvenirs

Extraits du journal de bord de Frédéric WAECHTER (ou Fritz) (29 octobre 1919 - 2 septembre 2012)

(Anecdotes et souvenirs tirés des notes personnelles de Frédéric retranscrites par F.G.W.)

Mes Parents, préalables sur la famille

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Les parents de Frédéric Waechter


Quand mon père est rentré de la guerre en Russie, c’était d’abord pour accueillir au foyer le dernier-né de la famille : Fritz né le 29 10 1919. Mais l’enfant est né avec un handicap et fut présenté à un professeur de médecine. C’était une hernie, un « bec-de-lièvre » ou encore appelée « gueule de loup » la mère a reçu cette réponse en guise de diagnostic et elle de répondre tout de suite : "Nous ne pouvons pas payer ces opérations, car nous n’avons qu’une seule vache à l’étable".

Le professeur répondit à la mère en lui tendant un papier : présentez votre enfant à ce rendez-vous et pour le reste ne vous inquiétez pas.

Après trois opérations réussies fort heureusement avant l’âge de 2 ans, condition expresse pour leur réussite. Mon seul souvenir, c’était mon père venu me chercher à l’hôpital. Par la suite j’appris que la facture a été réglée entièrement par de généreux américains.

Je me souviens des parents d’une jeune fille ayant le même handicap que moi venus s’enquérir de ma santé auprès de mes parents. Ils leur ont expliqué que j’étais complètement rétabli suite aux opérations, mais malheureusement pour la jeune fille il était trop tard, le terme des deux ans avait été dépassé. Par la suite je l’ai souvent rencontrée au bord de la route du village.

Période scolaire et souvenirs d’enfance

En famille, nous échangions en alsacien, au cours des réunions bibliques, on employait l’allemand pour chanter, prier, et entendre la prédication, mais à l’école, on a commencé à apprendre le français. Dans l’église du village voisin, ma maman s’occupait de l’école du dimanche en allemand. Un jour, elle a eu la surprise de voir arriver tout un groupe de camarades de classe pour assister à la réunion. Ma maman était très étonnée de ce succès et par leur grand nombre ! Mais après la réunion, le groupe est venu lui demander d’autoriser Fritz à assister à une séance de cinéma juste à côté de notre demeure. Pour mes camarades, ce n’était qu’un jeu et j’ai dû rester au foyer.

Des souvenirs d’enfance, ce qui me reste ce sont ces chapitres que notre mère nous demandait de mémoriser, mes deux sœurs et mes deux frères. Je pouvais encore les réciter, une fois devenu adulte. Et comme je continuais de nasiller quelque peu malgré les opérations chirurgicales réussies, mes camarades de classe se moquaient souvent de moi, même les plus âgés. Ce qui me révoltait et me rendit colérique. En grandissant, cet handicap s’est amoindri.

Mon père était tonnelier, ce qui l'a conduit souvent loin du domicile, jusqu’à Munster et il a été couramment tenté par l’alcool.

À Munster dans le Haut-Rhin, le célibataire qu’il était a été invité à assister à une réunion d’évangélisation. Un responsable avait composé une série de poèmes. Ce jour-là, l’évangéliste Schaeffer lut un de ces poèmes. Les mots « Aujourd’hui convertis-toi ». Cet appel à la conversion l’a interpellé, d’autant qu’il a dû rentrer subitement au foyer s’occuper de son père puisque sa mère venait de mourir. Après ce retour, je suis né et lui, dorénavant, s’est occupé de l’exploitation agricole à la maison.

Fais demi-tour - Un poème de Henri Matter

1. Fais demi-tour, ô marcheur égaré, tu n'es pas sur le bon chemin, car pour aller au ciel, il n’existe pas d’autre chemin, sinon le chemin étroit; certes, il est épineux et raide, mais il promet le salut éternel; il mène à ces sommets où flotte le signal de la victoire.

2. Fais demi-tour, le Fils ne montre que l'entrée de la maison du Père. Ce n'est pas dans le brouhaha du monde que tu trouveras la trace de la grâce de

Dieu. Agrippe-toi à la main de ton Sauveur, ô mortel, pour être en mesure de traverser la vallée de l'om- bre de la mort sans faiblir.

3. Fais demi-tour tôt le matin, avant que le péché ne te défigure et qu'une foule de soucis matériels ne t'assaille à l'improviste. Ecoute! L'appel du Sauveur retentit : fais demi-tour, oh reviens au plus vite. Laisse-toi attirer près de son coeur de Sauveur dans sa sainte lueur d'amour.

4. Fais demi-tour, quand à midi le soleil te frappe au visage et t'accable d'une chaleur étouffante et que le brassage d'ici-bas te ravit la paix. Fais demi- tour, coeur aveuglé, Il en est Un prêt à t'indiquer le chemin du ciel, Il va affectueusement à ta rencontre, Il t'obtient un grand salut et une grande bénédiction.

5. Fais demi-tour, déjà le soir tombe et le soleil baisse; ah, il se peut que le jour du salut passe avant que tu t'en rendes compte. De sombres et funestes nuages se forment, un gros orage menace; des ruisseaux de flammes risquent de débouler sur toi.

6. Fais demi-tour, à la onzième heure, tu es bientôt proche de l'abîme, voici qu'un Samaritain est là pour panser ta blessure. C'est terrible, tu cours un grand danger, mais tu n'es pas perdu pour autant, Il peut encore te sauver: Jésus te fournit lumière et vie.

Rendez-vous réguliers

7. Fais demi-tour, les feuilles tombent,
la terre devient déserte; veux-tu vraiment dévaler ainsi dans la tombe avec ta nature mortelle? Un printemps t'est offert : tu peux croire, aimer espérer, tu peux étendre ton bâton de pèlerin sur la mort et la tombe.

8. Fais demi-tour, la porte de la grâce t'est complètement ouverte. Oh! Entends pour une fois ces paroles : Jésus accepte les pécheurs! Ce Jésus veut te diriger jusqu'aux magnificences célestes dans son sacerdoce éter- nel, fais demi-tour, oh, fais demi-tour!

Poème de JEAN MATTER, Munster (1862- 1940) 

Suite au témoignage de conversion radicale, mon père a rassemblé des amis du village pour un partage biblique dans les maisons, une fois par semaine, un lieu différent chaque semaine.

C’est ainsi que, durant notre prime jeunesse, nous avons été nous aussi au bénéfice de l’enseignement de la Parole de Dieu. Régulièrement, un évangéliste de la Mission Saint Chrischona près de Bâle en Suisse nous a apporté un enseignement en allemand.

Je me souviens de la dernière réunion mensuelle que nous avons eue avec lui chez le père Wander à Stattmatten, après quoi, je démarrais fort de mes 14 ans mon apprentissage de jardinier à Saverne. C’est en manœuvrant la cloche du village que j’appelais les villageois à assister à la réunion, d’ailleurs c’était mon rôle de le faire chaque midi et chaque soir de chaque jour pendant longtemps.

Un jour d’orage, la foudre est tombée sur la grange et l’incendie a brûlé la ferme.

L’Eglise évangélique de Stattmatten consacre une page à la figure du père de Fritz à l’origine de cette communauté et pépinière sur plusieurs générations de serviteurs et servantes de Dieu (voir sous ce lien)


La carrière professionnelle

Le jour où mon père m’a accompagné à Saverne pour 3 années d’apprentissage, c’était en 1933. Nous nous sommes rendus d’abord chez le patron. (Blanalt), puis nous avons visité le pasteur de la ville. Mon père a voulu que je fréquente tous les dimanches le culte et mon patron a donné son accord. Ensuite, nous nous sommes rendus à la Mission Saint Chrischona pour être accueillis par Mme Matter que nous rencontrerons bien des années plus tard en d’autres circonstances. (Mme Dürig Ormalingen CH).

Les trois ans d’apprentissages terminés, j’ai recherché un emploi.

J’ai gagné en expérience auprès de deux ou trois exploitants horticoles dans la région de Strasbourg (ville et banlieue). Un an chez l’horticulteur Joseph Beck, une entreprise située près du cimetière de l’ouest où l’entretien des tombes (1re et 2e classes) alternait avec les travaux en serres. Un jour, le patron me fit une remarque et j’en ai été affecté : j’ignorais alors tout de la culture des cyclamens, du bouturage des géraniums : « Cela fait combien de temps que tu exerces ton métier ? Pendant tes trois années d’apprentissage, tu as appris quoi ? » C’est ainsi que mon nouveau patron m’a montré comment faire les boutures et m’a appris le métier.

Au cours de sa première année de gouvernement, Léon Blum a mis en place 15 jours de vacances par an, une semaine en été et le reste en hiver. Mais mon père a négocié pour moi avec le patron des vacances de 3 jours à la fenaison et de 3 jours à la moisson, puisque mon frère aîné était appelé sous les drapeaux à Remiremont. Je me suis absenté une semaine et mon patron au retour m’a congédié. J’ai terminé mon travail jusqu’au congé suivant et j’ai voulu informer le patron, M. Beck, de ma décision de partir travailler chez l’horticulteur Kuntz. M. Kuntz me dit que je pouvais commencer à travailler chez lui tout de suite, mais j’ai répondu que je désirais d’abord terminer ma semaine chez M. Beck Joseph. M. Beck a voulu me garder le dernier jour : « tu peux rester, je me suis seulement fâché sur le coup ». Poliment je lui répondis : « Mon père m’a conseillé de changer d’employeur » et l’affaire a été classée. Après cette bonne année passée chez Kuntz, qui faisait principalement dans la culture des cyclamens, des gloseinia, j’ai eu droit à l’augmentation de mon salaire.

Plus tard, juste avant la Seconde Guerre mondiale, j’ai dû me présenter au service militaire français, faisant à cette occasion mon premier grand voyage loin de chez moi. Je me souviens du nom des villes traversées : D’abord Stattmatten, Saverne Strasbourg, puis Bueswiller, Sainte Marie aux mines, Colmar, Montargis, Giens, Montluçon, Bordeaux, la frontière espagnole où j’ai été refoulé, Lourdes, Bédarieux, pour aboutir dans les camps de jeunesses où l’on décrète à mon sujet « inapte pour le service militaire ».

Au lieu d’entrer dans la milice de Pétain, on m’a renvoyé au domicile paternel. De retour en Alsace, j’ai constaté que la maison familiale a été transformée en Infirmerie. Je cherche à nouveau du travail, c’est là qu’on me propose d’entrer dans la police, mais j’ai refusé cette offre.

J’ai exercé alors mon métier d’horticulteur à Rastatt chez un exploitant situé derrière la gare, dans des serres vitrées à perte de vue. Elles existaient encore tel quelles mais abandonnées quelques années plus tard (nous avons pu rencontrer la petite fille du propriétaire d’alors dans les années 2000).

En ce temps-là, au cours de la Grande Guerre, le personnel de l’horticulture était composé essentiellement de prisonniers provenant de différents pays, de France, de Pologne, de Russie, des filles d’Ukraine en plus du personnel provenant du pays de Bade. Ce patron allemand a été enrôlé un certain temps dans le corps de garde d’Hitler. Il a été traduit devant un tribunal après la guerre, en 1945. Sa femme m’a demandé de témoigner en faveur de son mari, mais là je me présente pour une seule cause, c’est-à-dire : « Ne dire que la vérité ».

Alphonse Jordan, un ami, et ancien prisonnier de guerre, gendarme de la Brigade du Neudorf, m’a donné des nouvelles du procès, je lis avec lui : 1 Pierre 3.10.

Il est étonné par cette simple réponse de la Bible :

1 Pierre 3:10 Si, en effet, quelqu’un veut aimer la vie Et voir des jours heureux, Qu’il préserve sa langue du mal Et ses lèvres des paroles trompeuses ; 3:11 Qu’il s’éloigne du mal et fasse le bien, Qu’il recherche la paix et la poursuive 3:12 Car le Seigneur a les yeux sur les justes Et les oreilles ouvertes à leur prière, Mais la face du Seigneur se tourne contre ceux qui font le mal…

Revenu après la guerre sur Strasbourg, je me suis marié en décembre 1945 et ai été engagé comme jardinier horticole auprès de la ville de Strasbourg. Jusqu’à la fin de ma carrière professionnelle où j’ai occupé le poste de préposé suppléant à l’Orangerie et dans le service des cimetières, dont j’ai occupé un poste de responsabilité (à la tête de presque tous les cimetières de la communauté urbaine strasbourgeoise, l’un après l’autre, pour finir chef d’équipe de la ville).

Deux passions

Deux passions ont marqué ma vie si remplie ; témoigner de ma foi en Jésus Christ, j’ai été très entreprenant en la matière  et toujours prêt à saisir les occasions : j'aimais partager ma foi avec les gens que je rencontrais.

A travers ce poème de sa propre composition, Fritz a déclaré sa flamme à Georgette aux lendemains de la Seconde guerre mondiale...

Autre passion : les fleurs et les fruits ensuite. J’aimais les fraises, J’en ai planté quelques lignes sur un terrain inexploité de la ville derrière le cimetière nord de Strasbourg. Toute la famille a pu profiter abondamment de ces fruits frais au cours du mois de mai.

Sa passion des fleurs et des fruits m’ont amené à exercer mon art floral sur les rocailles devant les différentes maisons que nous avons occupées successivement, à quoi s’ajoute la plantation d’arbres fruitiers sur mon champ de huit ares à Stattmatten.

Dès que les premiers plants de kiwis ou actinidias sont apparus dans les catalogues professionnels, j’en ai plantés plusieurs à la rue Kempf à la Robertsau, quartier de Strasbourg,  et j’en ai pris soin jusqu’à un âge avancé.

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J’ai agrémenté le jardin bordant notre maison d’Ittenheim de plants de rosiers de toutes sortes ; il y avait des floraisons tout au long de l’année. J’aimais à offrir quelques roses à mon épouse tous les jours.

De nombreux plants de cassis, de groseilles, de mûres sans épines, 5 excellentes sortes de framboises, là aussi nous récoltions des fruits toute l’année. 

L'hêtre pleureur

Dans les années 1960, j’ai planté un hêtre pleureur dans mon jardin de la Robertsau. Au bout d’un certain temps, je me suis alarmé auprès de mon collègue de la croissance rapide de cet arbre rare. Sa réaction fut vive, il m’avertit du danger encouru et même me menaçait de s’en occuper pour l'arracher, si je ne déplaçais pas immédiatement cet arbre en devenir. Et donc avec l’aide de mes collègues, nous avons déplacé rapidement ce futur géant des parcs, dans le parc de la Citadelle Vauban où il règne depuis en maître près des eaux du fossé qui le nourrissent.

Famille à la Robertsau 1965

La famille Waechter au grand complet (tous lrs 9 enfants pour une fois réunis au pied de ce hêtre pleureur, juste avant d’être déplacé au Parc Vauban)

Les années passant, j’ai revu cet arbre au milieu de ce grand parc de Strasbourg, reconnaissant d’avoir pu le placer au bon endroit pour son développement naturel harmonieux.

En 2010, sortie souvenir avec maman sous cet hêtre pleureur légendaire

Lors du 60e anniversaire de leur mariage, les enfants Waechter entourent les parents (à Stattmaten)

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