La Sirène - Les Iraniennes résistent à leur manière


Résister, dit-elle

La Sirène, magnifique film d’animation de l’Iranienne Sepideh Farsi, est un manifeste poétique... et politique. Abadan, au sud de l’Iran, en 1980. Alors que les Irakiens bombardent la ville assiégée et que l’on cherche dans la panique les corps des disparus sous les décombres, une jeune fille retire courageusement son foulard pour effectuer un garrot et sauver l’un des blessés. C’est l’une des scènes les plus fortes de La Sirène. Et pour cause, Sepideh Farsi commence à réaliser le film en 2019, bien avant la mort de Mahsa Amini, bien avant le mouvement « Femme, vie, liberté ». 


Un geste prémonitoire ? 

Le pich du film


« La Sirène » 

★★★★★

Pendant le siège d’Abadan (Iran), en 1980, Omid, 14 ans, va faire tout son possible pour permettre aux habitants qu’il croise sur son chemin de sortir de la ville. Entre récit initiatique et conte poétique, cette nouvelle pépite des studios Les Films d’ici (Valse avec Bachir, Josep) raconte surtout le pouvoir de la magie et de la mémoire en temps de guerre et la continuité de la résistance. À voir absolument. En salle le 28 juin 2023


« La lutte contre les mollahs perdure depuis plus de quarante ans, confie la réalisatrice, que l’on rencontre chez elle, à Paris. Mais aujourd’hui, les cheveux des Iraniennes deviennent une arme contre les balles réelles. » Sepideh Farsi a beau vivre en France depuis plus de trente ans et être interdite de territoire depuis 2009, elle n’a jamais cessé de filmer l’Iran. D’abord dans un documentaire réalisé avec son téléphone portable (Téhéran sans autorisation, 2009), puis grâce à la fiction (Red Rose, 2014), et maintenant à travers l’animation avec cette bouleversante Sirène, présentée cette année à la Berlinale et en compétition au Festival du film d’animation d’Annecy.


L’histoire

L’histoire, c’est celle d’Omid, un adolescent de 14 ans qui décide de résister au siège des Irakiens en 1980 et d’attendre que son grand frère rentre du front. Mais comment résister en temps de guerre, sans prendre les armes ? Comment sauver ceux qu’on aime ? Comment quitter la ville aimée qui se transforme peu à peu en souricière sans avoir le sentiment de la livrer aux mains ennemies ? Ce sont toutes ces questions qui traversent Omid alors qu’il découvre un bateau abandonné dans le port d’Abadan, un lenj (navire traditionnel iranien) qu’il baptise La Sirène et dont il fera son arche.

Echo de la contestation actuelle

Intime et universel, « La Sirène » résonne fort avec la contestation actuelle contre le régime islamique. … À la fois réaliste et onirique, intime et universel, La Sirène résonne fort avec la contestation actuelle contre le régime islamique. Dans une tribune publiée en janvier dans Le Monde, Sepideh Farsi appelait l’Occident à ne plus s’adresser aux dirigeants du régime iranien, qui « tue ses enfants » et « viole sa jeunesse » pour « mater la révolte ». Aujourd’hui, la cinéaste en est convaincue, « la chute du régime prend du temps, mais c’est pour bientôt ».

Victoria Gairin  - LE POINT -  22 juin 2023



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