Bonhoeffer: hérault et héros de la foi

Dietrich Bonhoeffer est une figure emblématique du protestantisme engagé, connu pour sa résistance active contre le nazisme. Voici quelques traits principaux qui le caractérisent :

Théologien engagé

Bonhoeffer a combiné sa réflexion théologique avec un engagement pratique. Il a critiqué le conformisme de l'Église allemande face au nazisme et a plaidé pour une foi authentique qui se manifeste par des actions concrètes.

Dietrich Bonhoeffer, pasteur antinazi, boussole pour des temps troublés

Quatre-vingts ans après son assassinat par le régime nazi, le pasteur résistant allemand Dietrich Bonhoeffer demeure une boussole dans un monde qui renoue avec la tentation nationaliste et pour une Église qui cherche sa place dans une société sécularisée.

9 avril 1945. L’aube se lève sur le camp de concentration de Flossenbürg dans le sud-est de l’Allemagne, près de la frontière tchèque. Pour le pasteur et théologien protestant Dietrich Bonhoeffer, ce matin sera le dernier. Opposant de la première heure au nazisme, il a été arrêté le 5 avril 1943, pour sa participation au réseau de l’Abwehr, une organisation de la résistance allemande composée d’officiers de la Wehrmacht ayant plusieurs fois tenté de renverser Hitler. 

La Croix, le 9 avril 2025

Résistance au nazisme

Membre du mouvement de résistance, Bonhoeffer a participé à des complots visant à assassiner Hitler. Il considérait que l'engagement contre l'injustice était une obligation morale pour tout chrétien.

Concept de "grâce coûteuse"

Dans son livre "Le Prix de la grâce", Bonhoeffer distingue entre la grâce bon marché, qui ne demande aucun sacrifice, et la grâce coûteuse, qui appelle à un engagement total et à une vie de disciple. Cette idée souligne l'importance de vivre sa foi au prix de sa vie.

Communauté chrétienne

Bonhoeffer valorisait la communauté des croyants, la considérant comme essentielle pour vivre la foi. Il a fondé une communauté monastique à Finkenwalde, où il a mis en pratique ses idées sur la vie chrétienne en commun.

Éthique et responsabilité

Dans ses écrits, Bonhoeffer a développé une éthique fondée sur la responsabilité individuelle et collective. Il a affirmé que les chrétiens doivent agir selon leur conscience, même face à des régimes oppressifs.

Martyr de la foi

Bonhoeffer a été arrêté en 1943 et exécuté en 1945 pour son implication dans des activités anti-nazies. Sa mort a fait de lui un martyr et un symbole de la résistance chrétienne contre le totalitarisme.

Ces traits font de Bonhoeffer une figure unique et inspirante, témoignant d'un engagement profond envers sa foi et l'humanité, même dans les temps les plus sombres.

Cette prière ‘Environné de nombreuses puissances, reflet de son esprit de résistance et de son espérance

La prière “Environné de nombreuses puissances” (Von guten Mächten wunderbar geborgen en allemand) est l’une des plus célèbres de Dietrich Bonhoeffer. Il l’a écrite en décembre 1944, alors qu’il était emprisonné par les nazis, peu avant son exécution en avril 1945. C’est une prière de confiance en Dieu malgré l’épreuve, souvent considérée comme un poème d’espérance et de paix intérieure. Elle a été mise en musique et est encore chantée dans de nombreuses Églises protestantes et catholiques. 

Cette prière exprime une profonde sérénité face à l’incertitude et au danger. Bonhoeffer y affirme sa confiance en Dieu, quelles que soient les circonstances.

Environné de nombreuses puissances bienveillantes,

nous attendons, consolés, tout ce qui peut advenir.

Car Dieu est avec nous, le soir et le matin,

et assurément chaque jour.


Que la coupe amère que nous tend la douleur

remplisse notre cœur jusqu’à en trembler,

nous la recevons reconnaissants et sans crainte

des mains même de notre Dieu fidèle.


Mais veux-tu encore nous donner la joie

de ce monde et de son éclat ensoleillé,

alors nous nous souviendrons du passé

et notre vie t’appartiendra tout entière.


Laisse briller aujourd’hui les bougies chaudes et claires

que tu as apportées dans notre obscurité,

ramène-nous, si c’est possible, ensemble,

nous le savons : ta lumière brille dans la nuit.


Quand le silence profond descend autour de nous,

fais que nous entendions ce chant plein et grand

du monde qui invisiblement nous entoure,

la louange que tes enfants te chantent.


Environné de nombreuses puissances bienveillantes,

nous attendons, consolés, tout ce qui peut advenir.

Car Dieu est avec nous, le soir et le matin,

et assurément chaque jour.

Musique : Siegfried Fietz Interprétation : Tanya Monnier

Temple du Marais

L’espion de Dieu

Sortie du film « L’espion de Dieu »  le 22 janvier 2025, un biopic de ce témoin de l'Evangile hors norme en des temps sombres.

Le film de Todd Komarnicki dépeint le pasteur Dietrich Bonhoeffer, grande et rare figure de résistance à Hitler au sein de l’église luthérienne allemande - dont il quitta les instances dès que les nazis la mirent au pas de l’oie en «Eglise protestante du Reich», rejoignit la dissidence de l’Eglise confessante, et prit part à une conspiration pour assassiner le führer. @libe 



des hommes et un dieu

L’Espion de Dieu, de Todd Komarnicki, avec Jonas Dassler, August Diehl, David Jonsson (déjà en salles).

Fraîchement élu chancelier en janvier 1933, Hitler annonce la création du IIIe Reich… et d’une Église nationale ­nazifiée, où Mein Kampf devient la bible du nouveau ­régime. Bonhoeffer, pasteur humaniste, s’engage dans la résistance.


• Louise Dugast

Mais peut-il vraiment assassiner un homme pour sauver tous les autres ? Plongée dans un combat qui pourrait bien lui coûter sa foi et sa vie.

Porté par l’interprétation subtile du jeune Jonas Dassler, ce biopic mêle ­habilement scènes de fiction et images d’archives pour s’imposer comme un film poignant qui éclaire d’une lumière nouvelle cette période sombre de ­l’Histoire. LOUISE DUGAST

Le Figaro magazine - 24 janvier 2025

Dietrich Bonhoeffer (1906-1945)

Théologien engagé, prédicateur intransigeant, éducateur dans l’âme, homme de prière, prophète d’une Eglise en devenir, résistant, martyr: Dietrich Bonhoeffer fut tout cela à la fois. Victime du régime hitlérien, il est mort à 39 ans, quelques jours avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Chez lui, militance chrétienne, action politique et réflexion théologique sont inextricablement liées.

Dietrich Bonhoeffer est né à Breslau (aujourd’hui Wrocław, en Pologne), dans une famille luthérienne peu pratiquante. Mais, à 17 ans, il se décide pour la théologie. Brillant et précoce, il soutient sa thèse de doctorat à 21 ans. Il y développe ce qui deviendra le thème de sa vie: l’Eglise. Pour lui,«Christ existe parmi nous comme communauté, comme Eglise, dans l’opacité de l’histoire. L’Eglise est le Christ caché parmi nous».

Trop jeune pour devenir pasteur, Bonhoeffer part aux Etats-Unis. Il y découvre l’œcuménisme et le pacifsme. De retour en Europe, il partage son travail entre le pastorat, l’Université et la cause œcuménique. En 1933, quand Hitler prend le pouvoir, il devient le premier théologien protestant allemand à voir dans la persécution des juifs l’enjeu crucial du combat de la foi contre l’Etat nazi. Il rejoint les rangs de l’Eglise dite «confessante», aux côtés de Karl Barth, et proclame: «Celui-là seul qui crie en faveur des juifs a le droit de chanter du grégorien.»

S’ensuivent deux ans à Londres, comme pasteur de la communauté allemande. Il en revient au printemps 1935 pour diriger un séminaire, où il formera les jeunes pasteurs à l’esprit de résistance: beaucoup d’entre eux seront jetés en prison ou mourront au front. Dans ses cours, Bonhoeffer se bat contre une compréhension paresseuse de la foi. Il ne craint pas les formules-chocs: «La grâce à bon marché, l’ennemi mortel de notre Eglise, c’est la grâce sans la croix. La grâce qui coûte, c’est l’Evangile qu’il faut toujours chercher à nouveau. Elle coûte parce qu’elle est, pour l’homme, au prix de sa vie; elle est grâce parce que, alors seulement, elle fait à l’homme cadeau de la vie.»

Résistance jusqu’à la mort

Sa vie, précisément, s’accélère quand la Gestapo ferme son séminaire. D’abord interdit de séjour à Berlin, puis de prendre la parole publiquement, Bonhoeffer se réfugie à New York. Mais, solidaire de son peuple jusque dans sa faute, il en revient à peine trois semaines plus tard, juste avant que la guerre n’éclate.

Article de Famille Chrétienne - 24-31 janvier 2025


Inséré dans des réseaux de résistance clandestins, Bonhoeffer est arrêté en 1943. Les lettres qu’il écrit depuis la prison, souvent griffonnées à la hâte, témoignent de sa force de réflexion et de sa créativité théologique. Ses questions: «Comment le Christ peut-il devenir aussi le Seigneur des non-religieux? Comment parler de Dieu sans religion?» Toutefois, son propos «n’est pas de gagner le monde au Christ, mais de repenser la présence et l’action du Christ dans un monde qui a changé». Transféré de captivité en captivité, il est fnalement enfermé en 1945 dans le camp de Flossenbürg, en Bavière. Là, il est condamné à être pendu aux côtés d’autres conjurés. La veille de son exécution, il laisse un dernier message: «Pour moi, c’est la fin, mais aussi le commencement. Je crois au principe de notre fraternité chrétienne universelle qui est audessus de toutes les haines nationales et que notre victoire est certaine.»

RÉFORMES.CH  - le 26 juin 2024

++++++

Une critique de son temps

Le film, intitulé Espion de Dieu, explore la tension entre foi, éthique et action politique. Il offre l’occasion de redécouvrir cette figure de la résistance chrétienne avec le pasteur Yves Noyer, auteur de Un chrétien contre Hitler et le régime nazi : Dietrich Bonhoeffer - Dire Dieu dans un monde sans Dieu (Éditions Saint-Léger).

Pour Yves Noyer, Dietrich Bonhoeffer est un théologien engagé qui ancre sa critique du nazisme dans une analyse lucide de son époque. Dès le 2 février 1933, soit trois jours après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, il commence à écrire sur l’évolution de la notion de Führer au sein de la jeunesse allemande. "Il établit un parallèle entre le Führer et le Verführer (le séducteur, en allemand), mettant en garde contre le danger d’un leader devenant un manipulateur", explique Yves Noyer.

Un appel à la résistance pour les chrétiens

Dès août 1933, Bonhoeffer prend position contre la supériorité supposée de la race aryenne et la persécution des Juifs, dénonçant la notion d’Untermenschen (sous-hommes). "C’est donc un résistant de la première heure", souligne Yves Noyer. Dans ses écrits, Dietrich Bonhoeffer exhorte les chrétiens à entrer en résistance au nom de leur foi. Il insiste sur le fait qu’une spiritualité authentique peut être une source de force psychologique face à l’oppression. "Il a été conseiller spirituel de nombreux croyants, protestants comme catholiques, qui se demandaient : ‘Avons-nous le droit d’agir ainsi ?' Avec un courage immense, Bonhoeffer ose leur répondre : 'Nous serons des criminels' " raconte Yves Noyer. 

RCF le 6 mars 2025

+++++++

Dietrich Bonhoeffer, un pasteur visionnaire

Parce que sa théologie rassemble protestants, catholiques et orthodoxes en la personne du Christ, Dietrich Bonhoeffer est une des figures spirituelles les plus éclairantes pour ce début de XXIe siècle.

Nous sommes en 1937, au séminaire de Finkenwalde, en Allemagne du nord. Assis sur les marches d’un escalier en bois, le pasteur Bonhoeffer, 31 ans, captive son auditoire. Tous les jours, les jeunes séminaristes mesurent la chance qu’ils ont d’avoir un tel formateur ! Mais ce soir, l’heure est grave. Dans la matinée, le Journal Officiel allemand a décrété l’Église confessante – leur Église – illégale ! Ils ont à prendre une terrible décision : entrer dans la clandestinité ou capituler. Peut-être Dietrich, ce soir-là, pense-t-il à sa grand-mère, Julie Bonhoeffer, qui, en 1933, avait franchi une barrière de S.A. interdisant l’accès à des magasins juifs. Julie lui a appris que tout homme digne de ce nom doit savoir se décider pour ce qu’il croit juste et agir en conséquence. Le jeune homme saura très tôt écouter ce qui l’anime intérieurement. À 17 ans, il décide qu’il sera théologien, en dépit de l’opinion de son père. À ses frères qui estiment que l’Église est dépassée, Dietrich réplique : « Alors je réformerai l’Église ! »

Une certaine idée de l’Église

À 18 ans à peine, il assiste à la messe des Rameaux dans la basilique Saint-Pierre, à Rome. C’est un véritable coup de cœur : « Voilà ce qui donne une impression fabuleuse de l’universalité de l’Église : on voit des Blancs, des Noirs, des Jaunes, tous rassemblés dans l’Église. » La dimension œcuménique de sa vocation s’amorce. Dans sa thèse de doctorat, « La communion des saints. Réflexion dogmatique sur la sociologie de l’Église », Bonhoeffer tente de répondre à une question essentielle, récurrente dans son œuvre : « Comment être croyant dans la vie actuelle ? » Il va de soi pour le jeune Bonhoeffer que l’Église est le lieu du Christ présent dans le monde, et que c’est au cœur de cette communauté que se réalise la rencontre entre l’homme et Dieu. Le futur pasteur de 21 ans étonne ses aînés par l’audace de sa pensée : réfléchir à partir du Christ sur ce que devrait être l’Église est tout à fait novateur. En 1931, il part à New York où il découvre la détresse des populations noires, et s’engage dans le mouvement œcuménique. À son retour, il est nommé pasteur et enseigne, comme prévu, la christologie et l’ecclésiologie à l’université de Berlin. Mais le jeune homme a changé. Il pressent le danger que représente Hitler et dénonce dès avril 1933 la politique menée contre les juifs allemands. La validation de cette politique par l’Église protestante d’Allemagne est pour lui un point de non-retour. Il lui est impossible de rester lié à cette Église qui rejette les pasteurs d’origine juive et qui devient l’Église du Reich. Il contribue alors à la naissance de l’Église « confessante » (fondée sur la Bible et la confession adoptée en 1934).
Le théologien évolue vers une foi plus personnelle en se référant à Jésus disant : Viens et suis-moi. » Il fait cette expérience exigeante de « suivance » en renonçant à partir en Inde rencontrer Gandhi, pour prendre la direction du séminaire de Finkenwalde. Ses deux livres, Le Prix de la grâce et De la vie communautaire, révèlent combien cette expérience pastorale lui fut décisive. Il y plaide en faveur d’une Église « responsable » qui doit inviter le chrétien à trouver par lui-même la solution à ses problèmes.

Vivre en chrétien responsable

Dans Le Prix de la grâce, Dietrich critique la banalisation de la théorie fondamentale de Luther selon laquelle l’homme est sauvé par la seule grâce de Dieu, et non par ses œuvres. Pour Bonhoeffer, profondément ancré dans l’héritage luthérien, c’est un « mépris de la grâce » intolérable. Il rappelle que la grâce qui sauve l’homme a coûté la vie au Christ. Le théologien oppose ainsi la « grâce à bon marché, pire ennemi de notre Église, à la grâce qui coûte » (1), qui résulte de l’obéissance au Christ. Pour lui, selon Arnaud Corbic, « l’Église de la grâce coûteuse reste bien le lieu où la réalité de Dieu rencontre le monde ».
Bonhoeffer sait de quoi il parle ! Depuis 1936, l’étau se resserre : le théologien ne peut plus enseigner en université et, en 1938, il est interdit de séjour à Berlin. En 1940, Bonhoeffer n’a plus le droit de prendre la parole en public. Il s’engage alors dans le combat politique et entre dans le réseau qui fomente un attentat contre Hitler. Il est arrêté en 1943. Au cours de sa captivité, le théologien mûrit encore sa réflexion. Il ose s’interroger sur les fondements mêmes de son engagement dans la résistance, lui, le pacifiste, avec ceux qui projettent de supprimer Hitler. Au prix d’un long dépouillement, il a cessé d’être « pieux » pour devenir un homme de la réalité, solidaire de « ses frères en servitude ». Ce qui rend la pensée théologique de Bonhoeffer si prégnante, c’est qu’elle est portée par un homme qui est en totale adéquation avec ce qu’il vit. Les lettres écrites en captivité destinées à son ami et condisciple Eberhard Bethge, publiées sous le titre symbolique Résistance et soumission, témoignent des profondes interrogations du théologien confronté à un « monde sans Dieu ». Le pasteur y découvre que des hommes, résistants comme lui, se passent de Dieu tout en restant « humains » jusqu’au bout.

Théologien de la réalité

Au lieu de chercher à justifier la foi, Bonhoeffer s’interroge dans la lettre du 30 avril 1944 : « La question est de savoir ce qu’est le christianisme et qui est le Christ, pour nous aujourd’hui. […] Le temps où l’on pouvait tout dire aux hommes par des paroles théologiques ou pieuses est passé. […] Nous allons au-devant d’une époque totalement non religieuse » (2). Cette réflexion est prophétique pour notre temps de sécularisation avancée. Comment ne pas se sentir proche de ce théologien visionnaire dans un monde où règne le relativisme ?
Avant de mourir, il a le temps de nous laisser quelques balises, comme la lettre du 16 juillet 1944, où il explique qu’à la suite du siècle des Lumières, le monde s’est libéré de ses tuteurs, mais que cette « libération » aboutit à la responsabilité individuelle : « En devenant majeurs, nous sommes amenés à reconnaître réellement notre situation devant Dieu. Dieu nous fait savoir qu’il nous faut vivre en tant qu’hommes qui parviennent à vivre sans Dieu. […] On peut dire que l’évolution du monde vers l’âge adulte, faisant table rase d’une fausse image de Dieu, libère le regard de l’homme pour le diriger vers le Dieu de la Bible qui acquiert sa puissance et sa place dans le monde par son impuissance. » (3) Bonhoeffer est devenu « un homme de la réalité », mais n’a jamais remis en cause le christianisme auquel il adhère de tout son être. Le christianisme est au cœur de ce monde parce qu’il est au cœur de l’homme : « Les chrétiens vont devoir désormais penser et agir sans tutelle pour constater ce qu’ils croient eux-mêmes » sans « se retrancher derrière la foi de l’Église » (4). C’est ce que fit Dietrich Bonhoeffer en son temps troublé. Il vécut l’expérience douloureuse d’être peu à peu dépouillé de toutes ses « qualités sociales » jusqu’à finir nu, pendu par les nazis au camp de Flossenbürg, le 9 avril 1945.

Evelyne Montigny

La Croix, le 9 juillet 2014

Dietrich Bonhoeffer, une figure exemplaire enrôlée par l’extrême droite religieuse

Portrait de Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), pasteur luthérien et théologien allemand. Bridgeman Images

Spécialistes et héritiers de Bonhoeffer dénoncent la tentative de captation par l’extrême droite du témoignage du pasteur résistant, au mépris de toute vérité historique.

« À qui appartient Bonhoeffer ? » Cette question brûlante a été au cœur des commémorations marquant le 80e anniversaire de la mort de Dietrich Bonhoeffer par l’Église protestante en Allemagne (EKD). Question brûlante car spécialistes et héritiers du théologien résistant ont dû sortir du silence, l’automne dernier, pour dénoncer la tentative de captation de son héritage par les partis d’extrême droite, aux États-Unis et, dans une moindre mesure, en Allemagne.

La Croix, le 9 avril 2025

«Dietrich Bonhoeffer, intellectuel en avance sur son temps»

 • Recueilli par Raphaël Boschet

Ils nous inspirent. Geneviève Iacono, professeure de droit à la retraite, met en scène « Partir, Rester, Résister », un spectacle (1) inspiré de l’œuvre du pasteur allemand Dietrich Bonhoeffer « Résistance et soumission ».

«Mon chemin de vie s’est assez tôt tourné vers les autres: originellement diplômée en droit public, j’ai combiné les disciplines en suivant en parallèle un cursus de science politique et d’économie afin d’avoir une vision multidisciplinaire du monde qui m’entoure. Aujourd’hui, je suis maître de conférences en droit à la retraite, je suis mariée et mère de quatre enfants.

De par mes études politiques et juridiques, je me suis très tôt intéressée à la question des étrangers et de la migration et, plus largement, à la question des droits humains. Je suis d’ailleurs coprésidente de l’association CUM, Coordination urgence migrants, qui coordonne les actions des associations venant en aide aux migrants présents sur le territoire français.

Le théâtre étant une véritable culture familiale, j’ai toujours baigné dans l’univers de la mise en scène. D’ailleurs, pour rendre mes cours plus vivants et transmettre ma passion du droit, j’invitais régulièrement mes étudiants à tenir des jeux de rôles et à mettre en scène des jurisprudences.

Un jour, un ami de ma paroisse m’a conseillé de lire Résistance et soumission, le récit autobiographique bouleversant du pasteur allemand ­Dietrich ­Bonhoeffer. J’ai très vite été fascinée par la personnalité de cet homme aux multiples facettes. Universitaire, théologien, pasteur, écrivain et résistant actif, il fait partie des premiers à s’être opposé à l’idéologie nazie dans les années 1920. Emprisonné en 1943, il est exécuté en 1945 laissant derrière lui de nombreux ouvrages, dont ­Résistance et soumission, rédigé en captivité.

Dietrich Bonhoeffer était un intellectuel en avance sur son temps. Dans une logique de chercheur de la vérité, il n’hésitait pas à tout remettre en question: ses pensées, ses travaux universitaires, les fondements de sa foi, les institutions religieuses.

Mais ce qui m’a le plus impressionné lors de la lecture de son ouvrage, c’est la modernité de sa pensée. En effet, les réflexions qu’il avançait il y a presque un siècle rentrent parfaitement en résonance avec notre actualité politique. La résistance lors de la montée des régimes totalitaires dans les années 1930 peut trouver des échos avec la guerre en Ukraine. Les débats sur la réforme de l’Église protestante de l’époque peuvent être comparés avec ceux d’aujourd’hui, concernant la démarche synodale de l’Église catholique.

C’est la deuxième fois que je me plie au métier de metteuse en scène, après mon premier spectacle, consacré à Irénée le métèque et le prophète. Mais je suis avant tout une militante.

En toute humilité et en me prolongeant en ­Dietrich ­Bonhoeffer, j’ose espérer que jamais nous n’aurons fini, quels que soient l’époque et le lieu, de nous lever pour défendre les droits humains, pour réformer les institutions en profondeur et pour oser dire non à tout ce qui entrave la vie et son épanouissement.»

La Croix


© jp.w 2025 - Contact