Contre la folie, entrer en résistance


Don son éditorial « Contre la folie, entrer en résistance » du mercredi 5 mars 2025 du quotidien OUEST-FRANCE,  le journaliste Michel Urvoy met en lumière la manipulation, la démesure et le mensonge qui, bien que présents tout au long de l'histoire, prennent aujourd'hui une ampleur alarmante. La fréquence, l'invraisemblance et l'instantanéité de la diffusion de ces fausses informations compliquent le travail des observateurs et des décideurs, menaçant ainsi le débat démocratique et la capacité de réflexion.

Face à un flot d'actualités où il devient difficile de distinguer le vrai du faux, les mensonges se succèdent, banalisant même les plus graves. Cette saturation de fausses nouvelles, qu'elles proviennent de dirigeants ou de réseaux haineux, altère notre discernement et empêche la raison d'opérer. La sidération causée par l'énormité des annonces rend l'évaluation des dangers, comme ceux liés à la guerre en Europe, particulièrement difficile.

De plus, l'instantanéité de la diffusion d'informations fausses, qui se propage en quelques secondes, contraste avec le temps nécessaire pour combattre le mensonge par l'éducation et la pédagogie. Cette dynamique favorise la désinformation, soutenue par une inculture croissante et des algorithmes qui renforcent des opinions biaisées.

Michel URVOY appelle à une résistance active contre cette folie, soulignant que l'acte de dire la vérité et d'expliquer devient essentiel pour contrer l'inculture ambiante. Informer et décoder les informations est présenté comme un acte militant nécessaire pour préserver la rationalité et la démocratie.

La manipulation, la démesure et le mensonge ont toujours existé dans l’histoire. La grande nouveauté de ces dernières années tient à leur fréquence (qui donne le tournis), à leur invraisemblance (leur énormité sidère) et à l’instantanéité de leur diffusion (ils font le tour du monde en un éclair).

Ces caractéristiques rendent extrêmement difficile le travail des observateurs et des analystes, experts ou journalistes, et des décideurs qui doivent en tenir compte. Ce qui est très grave car, sans véracité des faits et sans pédagogie, il n’y a plus de débat, plus de capacité de réflexion, plus de démocratie.

Fréquence, invraisemblance, instantanéité : allons un peu plus loin. Dans le flot de l’actualité, il devient difficile de distinguer le vrai du faux, le futile du dangereux, l’effet de manche de la vraie décision. Un mensonge chasse l’autre. Les plus énormes banalisent les moins gros.

Ce matraquage de fausses nouvelles, qu’elles émanent de dirigeants « shootés » à la dopamine ou de réseaux numériques haineux, altère notre capacité d’évaluation, de discernement. Saturer l’espace politique et médiatique est le premier moyen pour ces nouveaux maîtres du monde d’empêcher la raison et la lucidité d’opérer.

« Décrypter en direct devient un casse-tête »

Le second moyen tient à la sidération que provoque l’énormité des annonces et des décisions. On ne sait plus bien, devant le soutien à Vladimir Poutine et les attaques contre l’Otan et l’Ukraine, s’il faut craindre le pire (la guerre en Europe), au risque d’être accusé d’avoir surestimé le danger. Ou s’il faut minorer la probabilité de certaines perspectives tant elles paraissent invraisemblables (conquérir le Canada, le Groenland ou une partie de l’Europe), au risque d’être accusé de manquer de lucidité.

Décrypter, anticiper, évaluer en direct devient un casse-tête. Un esprit sidéré peine toujours à considérer l’invraisemblable.

« Il faut beaucoup de temps pour combattre le faux »

Enfin, à l’extravagance des annonces s’ajoute l’instantanéité de leur diffusion planétaire. Il suffit de trois secondes pour proférer une énormité et s’assurer qu’elle va faire le tour du monde. Mais il faut des heures et des jours, du travail et de la culture, de la pédagogie et de l’espace médiatique pour combattre le faux. Autant de temps laissé au venin de la désinformation pour se répandre et agir.

Un exemple ? Un record de température, observé un jour, dans un lieu, il y a cinquante ans, sera présenté comme la preuve que le réchauffement global de la planète n’est qu’une invention de complotistes pour s’en prendre à nos libertés.

Et il se répand d’autant plus vite, ce venin, qu’il correspond à ce que les opinions désirent. La logique des réseaux numériques, en donnant l’impression que tout le monde pense comme vous, concourt à cette préparation des esprits. Tandis que l’enseignement de l’histoire, de la géographie ou des sciences, rayé des programmes ou réécrit à des fins nationalistes ou partisanes, rend plus réceptif aux démonstrations les plus fallacieuses.

Inculture et algorithmes

Face à l’alliance diabolique de l’inculture et de l’algorithme, l’expertise et la raison perdent de leur impact. Informer et décrypter à chaud est devenu infernal. Au risque de n’intéresser que les convaincus, il faut pourtant continuer à le faire, avec constance, avec acharnement. Dire le vrai, expliquer, décoder devient un acte militant, salvateur. Contre la folie, chacun, chaque jour, partout où il peut, doit entrer en résistance.

Ouest-France, le 5 mars 2025

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